Dans le cadre du travail, les migraineux bénéficient rarement de conditions adaptées le temps des crises. Or, chacune d’entre elles a un impact conséquent sur leur quotidien professionnel. Avec la mise en place de quelques aménagements et une meilleure compréhension générale, il est possible d’améliorer la qualité de vie au travail des migraineux. Explications avec Sabine Debremaeker, présidente de l’association La Voix des migraineux.
L’impact de la migraine au travail n’est plus à prouver…
Sabine Debremaeker : En effet, d’après une enquête réalisée par la Voix des Migraineux en 2022, un migraineux sur deux prend trop de médicaments en période de crise, courant ainsi le risque de se mettre en danger (pour prendre le volant et se rendre sur son lieu de travail par exemple). Une fois sur le lieu de travail, seul un migraineux sur dix a la possibilité de « se reposer », de se mettre au calme. Souvent, ils n’ont aucun refuge… hormis les toilettes ou leur voiture. Par ailleurs, ils ne sont que 4 % à disposer d’aménagements dans leur emploi. Et un migraineux sur cinq se sent maltraité dans son travail.
Sait-on réellement ce qu’est la migraine ?
Beaucoup font la confusion entre migraines et céphalées de tension (des maux de tête). La migraine est une maladie neurologique, due à une hyperexcitabilité du cerveau. La lumière, les bruits… ce ne sont pas des causes mais des déclencheurs du mécanisme de la migraine. De même, pour beaucoup, le symptôme, c’est juste le mal de tête. Or, il y a une phase ‘avant’ pendant laquelle les migraineux souffrent de troubles de la concentration, où ils deviennent plus émotifs et où, en effet, les sons et la lumière deviennent difficilement supportables. Cette phase prémonitoire peut durer 48 heures. La crise elle-même peut durer 72 heures. A laquelle s’ajoutent 48 heures de récupération. Une seule crise peut ainsi impacter le travail sur une semaine.
Quels sont les aménagement et conditions de travail possibles ?
On peut agir sur la lumière avec des stores ou des variateurs de lumières, et sur le bruit en utilisant des casques anti-bruit ou en évitant la musique sur certains lieux : on réduit ainsi les risques de crise. Les parfums, aussi, sont de gros déclencheurs. Grâce à une salle de repos, la personne peut se mettre quelques instants dans la pénombre : cela permet soit d’attendre que le traitement agisse, soit d’anticiper la crise en se reposant un peu. A contrario, il faut aussi qu’elle ait la possibilité de prendre l’air régulièrement. Dans les open spaces, par exemple, on peut transformer une bulle, une petite salle de réunion, en ‘cellule de survie’ pour migraineux. On peut aussi installer des écrans anti-scintillement, anti-lumière bleue. Au niveau ergonomie, il s’agit de veiller à conserver une posture bien droite… mais cela concerne tous les salariés !
En plus de ces aménagements, à l’entreprise de proposer de la flexibilité horaire, de faire preuve de compréhension et d’organiser des relais, avec des collaborateurs qui peuvent seconder le migraineux lors d’une crise. Ce dernier doit apprendre à déléguer et à ne pas se sentir indispensable tout le temps. Souvent, les personnes concernées ne veulent pas s’arrêter et continuent par culpabilité. Parfois, ce sont les patrons qui refusent la moindre pause…
Faut-il étudier la possibilité d’un congé spécial, à l’instar du congé menstruel ?
C’est très important : je suis allée au Parlement Européen en avril pour défendre ce projet. Un tel congé permettrait aux migraineux, qui ont trois ou quatre jours de crise par mois, de pouvoir s’absenter, au moins une journée. Quand on est en crise, c’est inhumain d’aller chez le médecin. D’autant plus que la migraine fait partie des motifs de d’arrêt de complaisance, au même titre que le lumbago… Il y a un défaut de crédibilité. C’est pourquoi il faut mettre un cadre autour de cela, en plus des aménagements et de la compréhension de l’employeur.
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