Il arrive souvent que nos clients, et en particulier nos clientes, nous expliquent : “J‘ai toujours été la bonne élève, qui ne fait pas de vague, qui travaille et qui ne contrarie personne“, “Je n’ose jamais dire non, j’ai été habituée à faire ce que l’on me dit ou a minima ce que l’on attend de moi“, “A force d’être la bonne élève tout le temps, j’ai craqué“, etc. Nous utiliserons ici le féminin car il est admis, selon les psychologues et sociologues, que ce syndrome touche majoritairement les femmes. Nous n’évoquerons pas les raisons de ce phénomène mais, pour les vulgariser, nous nous contenterons de préciser qu’elles proviendraient (et nous utilisons bien le conditionnel !) de l’éducation différentielle entre une petite fille à qui l’on apprend très tôt à être gentille et obéissante et un petit garçon qui aurait une latitude plus importante pour s’affranchir de l’autorité et s’imposer. Vaste débat…
Revenons à notre sujet : qu’est-ce que ce syndrome de la bonne élève ?
Comme son nom l’indique, il prend souvent racine dès la plus tendre enfance : “sois sage, dis bonjour, dis merci, travaille bien à l’école” et s’ancre petit à petit à l’école, puis au collège et au lycée. Ces injonctions (souvent parentales) sont évidemment naturelles et légitimes (apprentissage de la politesse, respect des autres et sens de l’effort…) de la part d’un univers familial ne souhaitant que votre bien et votre “réussite” dans la vie. Elles deviennent toutefois problématiques lorsqu’elles deviennent un mode de communication unique ou qu’elles empêchent toute liberté d’action et d’initiative. Autrement dit lorsqu’elles deviennent trop rigoristes.
Ce manque de marge de manœuvre personnelle peut effectivement s’avérer être un véritable frein à l’épanouissement personnel et professionnel de l’individu concerné. Engagé à ne pas faire de vagues, à ne pas contredire et donc ne pas s’exprimer, à ne jamais contrarier l’ordre établi, les enfants ainsi éduqués ont parfois tendance à s’effacer à l’âge adulte et à rester, dans tous les domaines de leur vie, l’éternel bon élève.
Cela se traduit par les comportements suivants :
- avoir des difficultés à dire non, à s’opposer ;
- craindre de s’imposer ou d’exprimer des opinions contraires ;
- ne pas oser déranger ;
- craindre de poser des questions ou, à l’inverse, en poser trop pour être certaine de bien faire ;
- développer une politesse exacerbée ;
- se sentir souvent évaluée ou jugée ;
- peur de contrarier ou de décevoir ;
- préférer se taire plutôt que de s’exprimer ;
- chercher la reconnaissance des autres ;
- vouloir rendre les autres heureux en s’oubliant soi-même ;
- chercher l’approbation des autres ;
- vouloir contenter ou faire plaisir ;
- se laisser souvent guider par la raison ;
- craindre le conflit, voire l’éviter à tout prix ;
- manquer de confiance en soi ;
- attendre une permission pour agir ;
- se laisser impressionner ou guider par toute forme d’autorité ;
- tout donner pour satisfaire au risque de se fragiliser ou de s’épuiser, etc.
Perfectionnisme et méconnaissance de soi
Ce syndrome entraîne une docilité et une sur-obéissance nuisibles lorsque l’on commence à se construire, notamment sur le plan professionnel. A vouloir toujours bien faire, la bonne élève se montre excessivement perfectionniste et exigeante envers elle-même. Elle se fixe des objectifs (trop) ambitieux, voire inatteignables. En quête de perfection permanente, elle risque de se décevoir ou de ne jamais se satisfaire du travail fourni et du résultat produit. Invariablement insatisfaite, elle est souvent très critique envers elle-même et s’auto-juge en permanence.
Sa soumission exacerbée à toute forme d’autorité, qu’elle soit parentale, familiale, managériale ou autre limite son champ d’action et de pensée. Remettre l’autorité en question et s’exprimer en ce sens est compliqué, voire impossible. Il en résulte une frustration et une tension intérieure latentes. Une impossibilité de se construire et de se réaliser pleinement. Une grande difficulté à imposer ses idées, ses convictions ou ses choix. Plus préjudiciable, l’ouverture d’esprit pour son propre développement s’en trouve limitée : comment se trouver, savoir qui l’on est vraiment et ce que l’on veut lorsque l’on passe sa vie à vouloir faire plaisir ou attendre leur approbation ?
A force de contenter les ambitions, espoirs ou aspirations des autres, la bonne élève s’oublie et ne participe pas pleinement à sa propre construction. Elle laisse s’échapper des questions essentielles : qui suis-je ? Qu’est-ce que je (me) souhaite ? Quelles sont mes envies profondes, mes besoins ? Comment ai-je envie de vivre ?, etc. Si bien que l’orientation initiale est parfois regrettée quelques années plus tard : “si j’avais su, je me serais écoutée“. Vocation contrariée et centres d’intérêts étouffés dans l’œuf entraînent souvent un mal-être à un moment donné, un questionnement (parfois existentiel d’ailleurs), voire un état dépressif issu d’une vie à contre-courant de soi-même. La reconversion totale n’est alors pas rare, réalignant ainsi “l’être” et le “faire”.
La peur de faire des vagues
Olympe, une de nos accompagnées salariée dans une maison d’édition, rencontre pour sa part le problème suivant : “depuis que je travaille, demander une augmentation est un calvaire. J’ai peur, je n’ose pas. Je stresse les jours d’avant. La dernière fois, j’ai même eu une insomnie la veille“. Nous connaissons bien Olympe. Elle est de nature angoissée (autre “symptôme” potentiel de la bonne élève). Son problème n’est pas vraiment de demander une augmentation mais plutôt de considérer qu’elle la mérite. Rarement satisfaite de son travail (alors que ses évaluations annuelles ne laissent aucun doute quant à la qualité de son travail), elle n’est intimement pas convaincue qu’elle “vaut” un salaire plus élevé. Ce syndrome de la bonne élève qu’elle traîne depuis son enfance ne lui permet pas de se rendre compte de sa propre valeur et de la valeur ajoutée qu’elle apporte à son entreprise. Il y a un décalage entre ce qu’elle est vraiment et ce qu’elle pense être.
Autre conséquence du syndrome de la bonne élève : l’évitement des conflits. Citons par exemple Lydia, comptable, qui a été victime de harcèlement pendant deux ans et qui n’a jamais osé rien dire à ses collègues et à sa hiérarchie de peur de faire des vagues et de renvoyer une image négative d’elle-même. Lydia nous racontait avoir toujours été la bonne élève, sérieuse, discrète, sans histoire et détestant le conflit et les disputes. Elle en est même venue à culpabiliser du harcèlement qu’elle subissait, croyant (évidemment à tort) qu’elle avait dû faire quelque chose pour le déclencher. Lydia a mis plusieurs mois à comprendre que cela n’était pas de sa faute, que sa N+1 pour laquelle était toxique et que le fait qu’elle ait toujours été “la salariée modèle” ne l’a pas aidé à parler.
Ce syndrome de la bonne élève peut avoir des conséquences délétères. Perfectionniste, rigoureuse, exigeante, endurante et docile, la bonne élève est prête à tout pour satisfaire et rendre un travail parfait (et pas seulement un travail bien fait…). Prête à s’oublier pour en faire toujours plus, elle confond investissement et surinvestissement. Il n’est pas rare qu’elle s’épuise après avoir mis toute son énergie au service de son travail. C’est le cas d’Emmanuelle, key account manager, qui a longtemps confondu travail et esclavagisme : “j’ai passé des soirs et des week-end entiers à travailler. Je n’avais jamais le sentiment du travail achevé. C’est comme s’il n’y avait jamais de fin, je n’étais jamais contente de ce que je faisais. Je reprenais tout 20 fois. A mes yeux, ce n’était jamais parfait“. Résultat ? Burn-out puis arrêt. Depuis, nous avons appris à Emmanuelle à rectifier ses ambitions, à poser des limites et garde-fous, à modifier son rapport au travail et surtout son rapport à elle-même. Car c’est bien de cela dont il s’agit lorsque l’on parle du syndrome de la bonne élève…
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Photo de Andrea Piacquadio provenant de Pexels