– première publication : 15 mars 2023 –

Le congé moi-ternité ? C’est un terme qu’a inventé Anne-Sophie Vergne, formatrice et auteure de J’peux pas, j’ai rendez-vous avec moi. Son idée ? S’accorder une pause dans sa vie professionnelle pour se réaligner avec ses envies profondes. Un arrêt bienvenu qui permet de repartir de plus belle.

Pourquoi ce “congé moi-ternité” ?

Anne-Sophie Vergne : C’était il y a cinq ans : j’avais envie de quitter l’entreprise dans laquelle j’étais. Je ne voyais plus ce que je pouvais lui apporter de plus. Je n’avais pas spécialement de projet, ni l’envie de rejoindre une autre entreprise. Et puis il y a eu cette petite phrase, de mon patron. Il a un jour affirmé devant toute une assemblée : “Je ne vous paie pas pour être heureux !” En quelques secondes, mon patron avait tout flingué : j’avais définitivement perdu la foi. Alors j’ai demandé une rupture conventionnelle. Et lorsque mon patron m’a demandé chez qui je partais, je lui ai répondu : “Je vous quitte pour moi.”

Vous vouliez vous accorder une pause ?

Je voulais en effet réfléchir à ce que je souhaitais faire : il était peut-être temps de changer de métier même, ou de vivre à l’autre bout de la planète. Je me posais beaucoup de questions. J’ai décidé que je posais un CDI : un congé à durée indéterminée, pour prendre du temps et éviter de reproduire les mêmes erreurs, de retomber dans les mêmes travers.

Je l’ai donc surnommé le “congé moi-ternité”, car c’est plus sexy que de dire “Je suis au chômage” (rires).

Partir n’est pourtant pas toujours facile…

Il ne faut jamais partir sans structurer son départ, car il y a une sorte de vide qui se crée. Ce vide peut être à la fois anxiogène car on n’a plus rien (plus d’emploi, ni de collègues, ni de rendez-vous, ni de routine professionnelle), mais il est aussi excitant : il est le vide fertile où tout devient possible. On devient ouvert à l’inconnu, à des rencontres. Aussi, pour éviter que ce vide ne devienne anxiogène, il faut réfléchir à comment occuper ce temps-là.

En ce qui me concerne, j’ai couplé mon départ à une formation, pour lui donner un contenu et de la contenance. J’ai ainsi suivi un programme en ingénierie pédagogique, car je me suis dit que ce ne sera jamais perdu : de transmettre, d’enseigner aux autres, de parler de sciences humaines ou de comportements. Je sentais une appétence pour ces domaines, j’ai suivi mon intuition.

Etiez-vous en quelque sorte précurseure ? Aujourd’hui, ces congés sont-ils devenus plus courants ?

Certaines entreprises ont compris que pour garder les collaborateurs sur le long terme, il fallait leur offrir du temps. Chez Accenture, cela s’appelle un congé de priorité personnelle. Chez Orange, c’est un congé de respiration. C’est comme si la société comprenait que ces volontés de congés pourraient se généraliser, pour faire en sorte que les collaborateurs reviennent surmotivés. C’est différent des temps de vacances, qui ne sont pas toujours des temps de repos, entre le délai pour déconnecter réellement, les enfants dont il faut s’occuper et les moments pour soi, plus égoïstement.. De plus, la réforme des retraites suppose de devoir travailler jusqu’à 64 ou 65 ans : si on rajoute du temps de travail, il faudra prévoir des mini-retraites sur le chemin !

Quels sont les bénéfices concrets de ce temps pour soi ? Notamment pour les entreprises ?

Cela permet aux personnes de s’inspirer autrement, d’ouvrir leur esprit. Cela améliore la créativité. De même, parfois on cherche du sens qu’on n’a pas forcément dans son travail. Sans quitter ce dernier, on peut alors se donner trois mois pour faire autre chose, ailleurs, qui aura du sens, puis revenir.

L’avenir, c’est peut-être que les entreprises accompagneront ces temps de pause. Le collaborateur n’est pas payé pendant cette pause, mais il peut bénéficier d’un accompagnement personnel pour que cette phase de pause soit la plus fertile possible. Et pour que finalement il se dise : “J’étais bien dans mon entreprise.”

Y a-t-il des signaux qui indiquent qu’il faut faire cette pause ?

Il n’y a pas de moment précis dans une carrière, ni un âge. A 20 ans, les personnes se cherchent, mais aujourd’hui à 40 ans, elles se cherchent aussi. Je pense surtout qu’il ne faut pas attendre d’être au bord du précipice et d’en être au syndrome de la cocotte-minute, à se dire “Je n’en peux plus, j’ai besoin d’une pause.” Ce genre de pause, ce n’est que la continuité de pierres qui ont été posées auparavant. Il y a eu des éléments annonciateurs de ce besoin : une réunion qui a mal tourné, les mots d’un manager qui ne nous conviennent pas, un sentiment de tourner en rond, etc. Il est important de savoir s’écouter.

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Diplômée en lettres modernes, Céline Tridon a suivi une formation en journalisme à l’IPJ. Elle y a confirmé son envie de travailler pour la presse écrite et web, souhait exaucé à travers la collaboration avec différents supports sur les thématiques « entreprise », « monde du travail », « management » et « RSE ». En 2023, elle reprend la rédaction en chef de My Happy Job.

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