Enfant, on disait de vous que vous étiez dans la lune, réservée ou très émotive ? Adulte, vous êtes souvent émue jusqu’aux larmes par diverses situations ou vos collègues disent que vous êtes totalement addicte au travail ? Dans son livre Femme atypique. Haut potentiel, hypersensible, TDAH… faites de votre différence une force au travail (Jouvence), Elodie Crépel vous propose de changer de regard sur votre singularité pour assumer votre potentiel et déployer vos ailes. De quoi vous épanouir professionnellement ! Interview.

Être atypique est une expression à la mode, mais qu’est-ce que cela veut dire ?
Elodie Crépel. Être atypique est un terme en vogue en effet. Sauf qu’être atypique, ce n’est pas une mode ! En réalité, ce terme provient de « neuroatypique » et exprime le fait que certaines personnes ont un fonctionnement cérébral différent d’une « norme donnée », ou tout du moins de la majorité. En effet, les images cérébrales démontrent de nettes différences entre les neurotypiques et les neuroatypiques. Cependant, il est vrai que les termes « atypique », « surdoué », « hypersensible », « TDAH », « autisme » sont tellement entrés dans le langage courant qu’ils en sont peut-être trop vulgarisés. Il s’agit là d’un passage normal lorsque l’on rend une connaissance accessible, c’est le temps que chacun puisse se l’approprier. 

Pourquoi avoir consacré votre livre aux femmes ?
E.C. En matière d’atypie, le sexisme ordinaire a orienté les recherches, et ce, depuis des années. Ainsi, dans ce livre, je propose de découvrir les atypies au féminin, et plus spécialement dans le monde professionnel. Car être une femme surdouée et/ou hypersensible, avec un TDAH ou non, ou des dys 2 au travail, c’est totalement différent et cela amène d’autres interrogations, problématiques et solutions que pour nos homologues masculins. Et je crois qu’il est temps, là aussi, d’être parfaitement à l’aise pour parler de ces différences. Car en les niant, on muselle totalement la souffrance de ces femmes.

Des femmes atypiques, il y en a partout ?
E.C. Oui, et elles peuvent passer inaperçues tant elles savent se « caméléoniser » pour s’adapter. Certaines en souffriront, d’autres arriveront à être elles-mêmes et seront de vrais poissons dans l’eau. Il serait faux de dire que lorsque l’on est atypique, on souffre obligatoirement de son décalage. En effet, les personnes atypiques, se sentent, et ce depuis toujours, différentes certes, mais toutes n’en souffrent pas.

La différence entre celles qui en souffrent et les autres ?
E.C. L’acceptation. L’acceptation de leurs différences, l’acceptation de leurs atypies, l’acceptation et la tolérance envers les neurotypiques et l’amour pour soi. Tout cela est bien sûr beaucoup plus facile pour les personnes qui savent depuis longtemps qu’elles sont atypiques, car elles ont eu le temps de comprendre leur fonctionnement. Cela est également valable pour les personnes atypiques qui se sont toujours senties aimées et acceptées comme elles sont (indépendamment de la connaissance d’elles-mêmes). Cela fait aussi du bien de voir que d’autres personnes nous ressemblent et même que nos comportements et nos réactions, excessives pour les autres, sont logiques au vu de nos particularités ! Une fois que l’on a compris cela, on se sent mieux, mais surtout on se sent plus fort pour l’expliquer à celui qui voudra bien nous comprendre. Ainsi, rester soi-même devient plus facile, surtout lorsque l’on se comprend mieux et qu’on commence même à s’aimer tel qu’on est. Rester soi-même au travail est même indispensable lorsqu’on est atypique. Tenter de correspondre à une personne que l’on n’est pas va seulement semer le doute sur notre honnêteté. On pense qu’on sera plus accepté, mais on sera toujours rejeté par certains et ceux qui nous accepteront ne le feront pas pour qui nous sommes vraiment.

Pouvez-vous nous parler des femmes HPI en particulier ?
E.C. La douance concernerait 2 à 5 % de la population, indépendamment du genre. Cependant, encore peu de femmes sont détectées surdouées car on fait passer le test davantage aux petits garçons qu’aux petites filles. Pourquoi ? À cause de nombreux préjugés sur la douance et sur… les femmes ! Attention, les surdoués ne sont pas forcément bons en mathématiques et ne réussissent pas tous à l’école. Cependant, ils ont effectivement un cerveau structurellement différent (notamment par le taux de myéline) et des connexions neuronales plus rapides (d’où une vitesse de traitement de l’information et une arborescence de pensée plus vives). Au final, la douance est une atypie qui divise beaucoup, d’autant que deux grandes familles se dessinent.

  • D’une part le profil laminaire : cette personne a souvent un quotient intellectuel homogène. Le raisonnement est plutôt analytique, pointu et rapide. Elle a tendance à se passionner pour un sujet en particulier (souvent scientifique). La surdouée au profil laminaire aime apprendre, elle est plutôt bonne élève, mais n’a pas spécialement « le goût de l’effort » (car elle n’a pas eu besoin de le développer). Finalement, cela correspond un peu à l’archétype du surdoué médiatisé. La surdouée au profil laminaire n’est pas à l’aise avec les émotions, elle va préférer l’action à l’introspection.
  • Et d’autre part le profil complexe : la surdouée au profil complexe a un raisonnement plutôt intuitif et analogique. Elle a souvent un quotient intellectuel hétérogène, ce qui est plus difficile à détecter et donc passe souvent à côté si le test n’est pas correctement analysé par le professionnel. Plutôt hypersensible, créative et avide de connaissances, elle peut s’intéresser à de multiples sujets. Un peu comme si son cerveau ne s’arrêtait jamais, elle est avide de connaissances. Elle peut ressentir un fort décalage avec les autres, ce qui peut générer des difficultés de socialisation et un besoin de trouver sa place dans la société. 

Un dernier conseil pour aider les femmes atypiques à s’accepter ?
E.C. N’ayez pas peur ! Se questionner sur votre atypie est déjà un premier pas. Être atypique est un cadeau. Essayez de comprendre de quoi vous avez peur pour libérer votre énergie. Quand on joue trop au caméléon, on se rejette soi-même et on ne s’entoure pas des bonnes personnes. Il est impossible de plaire à tout le monde, soyez vous-même au travail comme dans votre vie personnelle. Vous verrez que vous avez tout à y gagner !

MHJ Hors série 12

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Afin de vous aider à agir individuellement et collectivement, nous avons interviewé des expert(e)s et déniché des bonnes pratiques mises en place en entreprise. Comment oser affirmer sa singularité au travail ? Quels conseils pour les personnes hypersensibles ou atypiques ? Comment faire de nos différences une source d’épanouissement et de performance ?

 

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Diplômée de Sciences-Po Paris, Fabienne Broucaret a fondé My Happy Job en 2016. Elle en a été la rédactrice en chef jusque fin 2022. Conférencière et journaliste, elle a écrit "Mon Cahier Happy at Work" (Solar) et "Télétravail" (Vuibert). Elle a aussi co-écrit “2h chrono pour déconnecter (et se retrouver)” avec Virginie Boutin (Dunod). Passionnée par les questions de mixité, elle est enfin l’auteure des livres "Le sport, dernier bastion du sexisme ?" et "A vos baskets toutes ! Tour de France du sport au féminin" (Michalon).

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