Rétention des talents et santé au travail (en passant par la formation des managers aux signaux faibles) seront probablement au coeur de la prochaine semaine de la Qualité de vie au travail. L’objectif : prendre soin de ses collaborateurs et de leur engagement.
On parle beaucoup ces derniers temps de démission mentale, du big quit, de démission passive et de santé (mentale) au travail. Ce seront en effet, d’après nos observations et échanges avec les RH des entreprises, les grands axes de réflexion pour la Semaine de la QVT 2023 : éviter la fuite des talents en permettant aux collaborateurs de rester engagés, sans s’épuiser. Dans un marché du travail en pleine mutation, qui s’est depuis peu inversé en faveur des salariés, il nous paraît en effet essentiel de choyer ses talents, en redonnant du sens à leur engagement et en veillant à leur santé au travail, sujets qui seront donc au coeur des interventions de la semaine 2023 de la Qualité de Vie au Travail.
Première tendance : la rétention des talents
Jeanne, DRH dans le secteur du luxe, a accepté de nous faire part de ses réflexions et projections sur le sujet : “Nous assistons actuellement à un phénomène de désengagement des collaborateurs, il faut le reconnaître et en tirer les conclusions adéquates : nous avons du mal à retenir les talents. Les départs sont nombreux, malgré nos tentatives de rétention. Nous devons relever nos manches et apporter des réponses adaptées aux problématiques rencontrées par nos équipes. Nous avons décidé pour la semaine de la QVT 2023 d’aborder trois axes : la mobilité, qui reste largement sous-utilisée, le sens et l’engagement. Ce sont, selon nous, les enjeux majeurs et nos leviers pour ne pas perdre nos talents.”
Propos confirmés par Jean-Denis, RRH dans la grande distribution : “Nous devons faire preuve d’inventivité pour 2023. A rester sur des thématiques déjà vues et revues, sans aborder les réelles préoccupations des équipes, la semaine de la QVT perdrait de son intérêt. Chez nous, il y a eu beaucoup d’arrêts maladie longue durée cette année. Nous ne pouvons éluder cette réalité. Comment éviter ces situations malheureuses pour tout le monde ? Nous n’avons pas de baguette magique mais l’idée est de faire passer deux messages à nos collaborateurs : 1 nous nous emparons du sujet à bras le corps, 2 nous ferons tout ce qui est possible pour apporter des solutions concrètes. C’est un challenge que nous devons relever. Ainsi envisageons-nous des actions de prévention à l’épuisement professionnel durant la SQVT 2023, couplées à des ateliers pratiques permettant de réfléchir utilement à l’équilibre vie professionnelle-vie privée. Il s’agit là de LA préoccupation numéro 1 avec la question de la répartition de la charge dans les équipes, les deux étant liées. Il faut que nous RH, les managers et les collaborateurs pensions et agissions de concert pour trouver des idées et solutions pertinentes et durables.”
La crise sanitaire a en effet accéléré et mis en exergue des problématiques de porosité entre vie personnelle et vie professionnelle. En parallèle, la digitalisation de la plupart des métiers a remis au goût du jour un fort besoin de lien social. Oui au télétravail, mais pas à 100 % : c’est le message de la plupart des salariés et entreprises que nous accompagnons. Plus que du télétravail à outrance, c’est de la souplesse dans leur organisation professionnelle et personnelle qu’ils réclament. Les salariés ont collectivement et individuellement pris conscience de l’importance de la qualité de vie au travail, laquelle passe pour eux aujourd’hui par une qualité de vie tout court et par une nouvelle façon d’aborder leur lieu de travail. Faire cohabiter au mieux les différentes sphères de leur vie devient donc un enjeu déterminant, dont les RH s’emparent aujourd’hui pour proposer de nouveaux modèles.
Les spécialistes du recrutement sont d’ailleurs en première ligne pour observer ce phénomène : “Au départ nous avons été effarés par ce changement de paradigme. Alors qu’il y a quelques années, on nous parlait très rapidement en entretien de la rémunération et des perspectives d’évolution, ces questions arrivent aujourd’hui en dernier, preuve étant que rester durablement dans la même organisation n’est plus la norme en 2022. La grande question qui revient aujourd’hui est celle de savoir si le télétravail est possible et à raison de combien de jour pas semaine… Nombreuses sont les personnes auxquelles nous avons proposé de très beaux postes, vraiment intéressants et en phase avec le parcours du candidat, qui n’ont pas donné suite du fait d’une trop grande rigidité sur le télétravail ou la flexibilité des horaires de travail. Ce n’est pas une minorité, c’est devenu la norme !“, indique Gladys, chasseuse de têtes.
Deuxième tendance : la santé au travail
Bien que l’on soit dans l’ère de la QVT, des RPS, du bien-être au travail et plus largement du Care au travail, les chiffres restent alarmants en termes de souffrance au travail : le sondage datant de mars 2022 d’Empreinte Humaine parle de 2,5 millions de collaborateurs en état de burn-out sévère, soit 34% des salariés. Nos échanges avec nos accompagnés nous le confirme : les cas ne refluent pas, notamment parce qu’il n’est pas toujours facile de verbaliser ses difficultés en entreprise. Nous constatons tous les jours dans nos murs une forme de tabou sur ce sujet pourtant universel. Qui n’a en effet jamais connu une période de grande fatigue professionnelle ? Qui n’a jamais tiré la langue face à la charge de travail, aux deadlines des livrables, aux agendas saturés de réunions, aux réorganisations qui se répètent, etc. ?
Toutes les parties prenantes de l’entreprise sont concernées par la fatigue professionnelle : collaborateurs, managers, RH, dirigeants, etc. Pour autant, rares sont celles et ceux osant en parler en interne et s’adresser aux managers ou RH bonnes personnes à temps, pour trouver ensemble des solutions. Entre la crainte de passer pour faible, la honte de ne plus parvenir à “suivre le rythme” et la peur d’un retour de manivelle, l’omerta règne parfois dans des départements ou services surchargés de travail et qui auraient grand besoin d’apprivoiser le thème de la fatigue professionnelle. La culture de la performance et de l’immédiateté y sont évidemment pour beaucoup. Tout comme celle de l’agilité : soyez agile, adaptez-vous à toutes les situations, même les plus tendues et énergivores…
Résultat : certains collaborateurs, et souvent les plus engagés et méritants, “tombent” sans que les managers n’aient pu intervenir, ou même voir. Quel dommage quand on sait que cela pourrait être évité par une parole plus libérée et la bonne connaissance, par les managers et toutes les équipes, des signaux faibles. Cela éviterait l’épuisement de bien des collaborateurs et la culpabilité destructrice que peut ressentir un manager lorsqu’un membre de son équipe se retrouve en souffrance et en arrêt maladie, souvent de longue durée lorsqu’il s’agit d’un burn-out.
Comment les aider ? Comment leur donner les moyens de détecter les maux de leurs équipes lorsque ces dernières s’auto-censurent et n’osent pas parler ?
Comme pour bon nombre de sujets, cela passe tout d’abord par la connaissance, l’information, la pédagogie et la sensibilisation.
Permettre aux managers :
- de savoir ce qu’est réellement un épuisement professionnel (l’expression étant souvent employée à tort et à travers),
- de comprendre le mécanisme de glissement,
- de mesurer ses impacts et ses dommages collatéraux
… est la première des choses à mettre en place en interne.
La détection des signaux faibles passe en effet par la compréhension de l’ensemble du syndrome d’épuisement professionnel. Ils ont besoin de comprendre pour percevoir la souffrance de leurs collaborateurs. et éviter, in fine, les défaillances dans leurs équipes. Les managers ont grandement besoin d’être (in)formés.
Or, la majorité d’entre eux estime ne pas l’être suffisamment. Une étude de Cadremploi publiée le 17 juin 2019 nous apprend en effet que 87 % des managers considèrent être mal accompagnés par l’entreprise pour faire face au burn-out d’un membre de leur équipe. C’est d’ailleurs ce que nous disent les managers responsables d’équipe au quotidien : “Je n’ai pas vu que ma collaboratrice coulait. Si j’avais été formé sur le sujet, j’aurais peut-être vu. N’ayant en plus jamais vécu d’épuisement, je n’en connaissais ni les tenants ni les aboutissants“. Ce sont les mots de Luc, manager dans le secteur de l’agro-alimentaire, avant d’ajouter : “Nous ne sommes pas formés à cette dimension dans nos études de management. L’entreprise ne nous a pas non plus alertés sur les signaux faibles. Nous avons pourtant besoin de comprendre, pas que pour nos collaborateurs d’ailleurs mais aussi pour nous ! Depuis le Covid, nous sommes fatigués. Et nous ne savons pas toujours quoi faire, à part faire appel à notre bon sens ou parler avec d’autres managers.” Luc a raison : les derniers chiffres recensés montrent que les managers sont 1,5 fois plus touchés par le burn-out depuis la crise sanitaire. Ils ont donc besoin, pour eux comme pour les membres de leurs équipes, de connaître les signaux d’alerte. Pour pouvoir ensuite les repérer sur le terrain ou à distance lorsqu’ils sont loin de leur équipe.
Cette première démarche est salutaire mais incomplète : une fois les signaux faibles repérés, les managers, comme les RH, doivent avoir des outils pour gérer concrètement ces situations, aussi bien à titre préventif que curatif. Comment écouter le collaborateur épuisé ? Comment susciter la prise de conscience ? Quels mots employer ? Quels sont ceux à éviter ? Comment soutenir sans être intrusif ? Comment orienter au mieux ? Auprès de qui tirer la sonnette d’alarme pour les cas les plus préoccupants ? Comment créer du lien avec la médecine du travail, les RH, les assistants sociaux, etc. ? Comment accompagner au mieux la reprise et la réintégration du collaborateur après un arrêt de longue durée pour épuisement ? Comment prendre en compte les éventuelles séquelles du collaborateur ? Beaucoup sont démunis face à ces questionnements complexes et pourtant essentiels.
Notre conviction est que faire de l’épuisement professionnel un pilier de la politique RPS de l’entreprise est fondamental aujourd’hui, surtout lorsque l’on sait que 44% des salariés se disent en détresse psychologique et que 2 millions sont en burn-out sévère. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : le surmenage professionnel devient l’affaire de tous dans les organisations, qu’elles soient publiques ou privées. Sensibiliser les managers, les former puis leur donner les moyens d’agir est une urgence que la semaine de la QVT peut mettre en exergue !
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