Les formations de Premiers secours en santé mentale (PSSM) se multiplient en France. Venues d’Australie, elles permettent de démystifier la santé mentale, d’apprendre à reconnaître les symptômes et de changer de posture vis-à-vis des salariés atteints de troubles. Avec un objectif : les orienter vers les professionnels formés. Un nouveau circuit d’attentions à l’autre qui peut améliorer le bien-être au travail.

Imaginez votre collègue arriver chaque matin avec une odeur d’alcool. Lui coller l’étiquette de l’ « alcoolo de service » n’arrangera en rien sa situation, ni même le fonctionnement du service. Un problème d’alcool, comme toute autre addiction, cache un mal-être et produit des troubles du comportement. Mais comment faire ? Pour un malaise, la plupart des personnes penseront immédiatement à appeler le 15. Pour les troubles psychiques, c’est plus compliqué. C’est face à cette difficulté et au tabou de la santé psychique, que la formation de Premiers secours en santé mentale (PSSM) veut répondre.

Mettre fin à la stigmatisation des troubles psychiques

Née en Australie dans les années 2000, la formation de PSSM arrive en France depuis 2019 à l’initiative de trois structures fondatrices (Infipp, Santé mentale France et Unafam). Avec ce projet de Premiers secours en santé mentale, ces structures spécialisées veulent alors amplifier leur lutte contre la stigmatisation des troubles psychiques. L’objectif : faciliter l’accès plus précoce à des soins adaptés, qui améliorent les chances de rétablissement.

Ce programme de formation s’adresse à tous les citoyens quel que soit leur profil : aide à domicile, personnels pénitentiaires, pompiers, policiers, ouvriers, cadres d’entreprises de services ou industrielles, travailleurs sociaux, étudiants… L’objectif est d’apporter la même visibilité et compréhension au public que les formations de premiers secours physiques. Il s’agit de former le plus grand nombre possible de citoyens à aider un collègue, un ami, un voisin ou toute personne de son entourage qui présente un ou des troubles psychiques à s’orienter vers le soin ou/et des ressources d’aide ou d’entraide.

Responsable de prévention à la Mutualité française des Pays de la Loire, Sophie Timon a suivi la formation de deux jours pour devenir « sauveteuse ». Puis elle est devenue à son tour formatrice, à l’issue d’une formation complémentaire de cinq jours. Pour elle, la formation permet de « changer de posture ». Il ne s’agit plus de parler d’ « alcoolo », de « schizo », de « fou », de « taré », de « pas net »… mais de comprendre les quatre troubles psychiques les plus courants (dépressifs, anxieux, psychotiques ou liés à l’utilisation de substances), pour sortir du tabou ou des représentations erronées, et agir. « En santé physique, on apprend le schéma Protéger, Alerter, Secourir, rappelle-t-elle. En santé mentale, la formation PSSM propose aussi un modèle : AERER. »

Soit cinq étapes pour aller vers la personne présentant un trouble  :

  • Approcher la personne
  • Ecouter la personne, activement et sans jugement
  • Réconforter et informer
  • Encourager la personne à aller vers des professionnels
  • Renseigner sur les autres ressources disponibles

« L’objectif est l’intervention précoce : quand on voit une personne qui n’est pas bien, plus on intervient rapidement et plus la résolution pourra se faire », encourage Sophie Timon qui évoque des possibilités de parler autour d’un café ou d’un déjeuner selon la relation avec son proche. Les sauveteurs formés sont incités à être attentifs à leur entourage familial, amical, professionnel ou leurs voisins… « La formation donne des clés pour changer de posture », insiste Sophie Timon, qui a passé son certificat l’an dernier. Elle a depuis échangé avec une collègue pour lui exprimer son inquiétude quant à son état. « Je ne l’aurais peut-être pas abordée de la même manière sans avoir suivi la formation, réalise-t-elle. Je lui ai dit que je m’inquiétais et lui ai demandé si elle en avait parlé à son médecin traitant. Nous pouvons tous traverser des phases de moins bien.Les professionnels sont formés pour établir des diagnostics et nous orienter. A nous d’aller vers eux, le plus rapidement possible. »

Une source d’informations

La formation PSSM vise aussi à connaître les ressources disponibles, rassemblées dans un guide offert à l’issue du stage. Il présente le 3114, le numéro national de prévention du suicide, mais aussi les autres numéros verts, sites internet ou lieux d’accueil pour les personnes atteintes de troubles psychiques, ou de mal-être passager ou plus installés.

67 000 personnes se sont formées en France à ces premiers secours en santé mentale. La formation de deux jours (250 euros) est accessible à toute personne majeure, sans prérequis. Elle peut être financée via des plans de formation en entreprise. De plus en plus de communes ou d’entreprises proposent ces formations, pour prendre soin de la santé mentale de leurs collaborateurs.

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Titulaire d’un master de journaliste au Celsa (Paris), Lucie Tanneau est journaliste indépendante, sillonnant la France, et plus particulièrement l’Est de la France au gré des thèmes de ses articles. Elle collabore à de nombreux titres, de Liaisons sociales magazine, La Vie, et Okapi, en passant par Grand Est, l’Est éclair, Village, et Foot d’Elles.

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