Dans un article récent publié dans la Harvard Business Review, Richard E. Clark (professeur en psychologie à la Southern California University) et Bror Saxberg (Vice-président des sciences de l’apprentissage à la Chan Zuckerberg Initiative) mettent en avant les 4 principaux « pièges de la motivation » : les émotions négatives, l’erreur d’attribution, le manque de sentiment d’auto-efficacité et les conflits de valeurs. Autant de raisons qui peuvent nous amener vers une diminution persistante de notre motivation. Comment s’en sortir ?
Nolwenn Anier, directrice du Pôle Recherche de la start-up Moodwork, vous propose une série de 4 articles dans lesquels un psychologue ou professionnel spécialiste de la qualité de vie au travail vous donnera des conseils pratiques pour venir de ces freins et ainsi (re)trouver de la motivation au travail. Cette dernière est généralement définie comme la volonté de faire le travail plutôt que de tergiverser, en persistant devant les distractions et en investissant suffisamment d’effort mental pour réussir. Elle est l’un des principaux objectifs transversaux inhérents au travail, pour les salariés comme pour les managers. Pour les salariés, elle permet d’être plus efficace et plus satisfait de soi, de son travail. Pour les managers, elle garantit le bien-être de ses collaborateurs et la réussite des projets. Cependant, parfois, la motivation peut faire défaut. Cela peut être passager, à causes de circonstances particulières dans la vie personnelle par exemple, ou devenir chronique. Dans ce cas, il est important de s’interroger sur les caractéristiques du travail qui peuvent être à la source de ce changement.
Piège n°3 : Le décalage de valeurs – « Mes valeurs ne sont pas en accord avec mon métier »
D’après Diane Girard, commissaire aux valeurs et à l’éthique à Montréal, nos valeurs sont des croyances durables qui font partie de notre identité et nous motivent en donnant un sens à nos actions. On parlera de conflit de valeurs lorsqu’il nous est demandé de mener une action mettant en pratique une certaine valeur, qui entre en conflit avec une autre valeur également considérée comme importante. Plusieurs recherches montrent que ce genre de conflit peut se produire dans le cadre de nos relations avec nos supérieurs hiérarchiques, nos employés, nos clients, nos fournisseurs, les agences gouvernementales ou plus généralement la communauté. Or, sacrifier une valeur importante pour soi ou plus simplement ne pas réussir à faire coïncider notre travail et nos valeurs peut contribuer à la perte de sens au travail et à l’épuisement professionnel.
Pour se sortir de ce piège de la motivation, il est important de pouvoir communiquer. En effet, comme le souligne Diane Girard, la souffrance vient plus du fait de ne pas pouvoir nommer son malaise que du conflit en soi. N’hésitez pas à solliciter les personnes avec lesquelles vous vous sentez en désaccord pour leur parler ouvertement et objectivement de ce qui vous oppose, ce qui vous dérange personnellement, et essayer de trouver des solutions ensemble. Cette solution peut, par exemple, consister en une réflexion pour faire coïncider vos valeurs et votre travail. Sachez tout de même que le conflit de valeurs, surtout s’il est lié directement à votre travail ou à votre supérieur, ne pourra pas disparaître complètement. Si celui-ci vous semble trop important, il est peut-être temps de réfléchir aux différentes possibilités qui s’offrent à vous.
Le point de vue d’Emeric Kubiak, R&D Psychologist chez AssessFirst
Il y a un vrai problème dans les entreprises : sur 100 personnes recrutées, 17 ne sont plus en poste au bout de 6 mois, 36 au bout d’une année et 46 avant 18 mois. Le plus choquant ? Dans 9 cas sur 10, ces échecs ne sont pas dus à un défaut de compétences techniques ou de savoir-faire du collaborateur… mais sont liés à une inadéquation de vos valeurs personnelles avec celles qui font l’ADN de l’entreprise, ou encore un décalage entre vos comportements naturels et ce que l’on vous demande de faire. Sachant que l’on passe en moyenne 80000 heures de notre vie au travail, soit 54% de notre temps de veille, il est donc urgent de mettre en cohérence nos valeurs profondes avec notre job. Mais comment savoir à quel moment vos motivations sont parfaitement alignées à celles de votre entreprise, à quel moment mettre les voiles, ou à quel moment faire des efforts d’adaptation ? Voici un process simple pour vous aider à apporter une réponse à ces différentes questions :
1. Listez vos valeurs fortes : l’objectif est d’isoler les principes qui vous sont importants, et que vous souhaitez (ou non) retrouver dans votre job. Pour vous aider à mettre des mots sur ces éléments, vous pouvez passer le questionnaire Drive. Par exemple : avoir un impact positif sur le monde.
2. Listez les éléments qui font la singularité de votre entreprise : de même, listez les éléments qui caractérisent votre contexte de travail. Par exemple: recherche toujours l’excellence. Pour vous aider dans cette réflexion, voici quelques questions à vous poser : Qu’est ce que je retrouve dans mon entreprise et rarement ailleurs ? De quoi je suis le plus fier dans mon entreprise ? Quels sont les comportements et actions qui sont valorisés/sanctionnés ? Comment communique t-on en interne ? Comment sont prises les décisions ? Quelles sont les valeurs fortes/absentes de mon entreprise ?
3. Evaluez les éléments identifiés selon deux échelles distinctes, notées de 1 (pas du tout) à 5 (tout à fait) : à quel point ce principe caractérise mon entreprise ? À quel point je me retrouve personnellement dans ce principe ? Ce rating vous permettra d’aboutir à une cartographie selon 2 axes : l’identification de l’entreprise à chacun des principes et votre identification personnelle.
4. Décidez. Vous avez maintenant une vision claire sur les éléments qui font votre job, votre entreprise et sur ce qui vous motive réellement. Les éléments sont isolés en haut à gauche ou en bas à droite ? Il y a un fort décalage de valeurs et vous seriez sûrement plus épanoui ailleurs. Au contraire, vous avez une majorité d’éléments en haut à droite ? It’s a perfect match ! Enfin, si l’ensemble des éléments se situent dans la zone grisée, vous devriez peut-être faire des efforts d’adaptation avant de prendre une décision radicale. Dans tous les cas, après avoir placé le curseur avec cet exercice, parlez à coeur ouvert avec votre manager pour exprimer votre ressenti, repenser votre contribution à l’entreprise et éventuellement trouver des solutions concrètes pour réaligner vos valeurs. Si aucune adaptation n’est possible, vous pourrez partir sans regrets.
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A lire aussi :
– Les pièges de la motivation #1 : que faire de nos émotions « négatives » ?
– Les pièges de la motivation #2 : le manque de sentiment d’auto-efficacité