Un éloge du silence, c’est que défend Amélie Blanckaert, dans son livre Taisez-vous, on vous écoutera : le pouvoir du silence (éditions Plon). Dans un monde où le bruit et les nombreuses sollicitations règnent, il devient essentiel de savoir s’accorder un temps pour soi, loin de tout tumulte. A la clé ? Un ressourcement précieux mais aussi la capacité à mieux parler, le silence se mettant au service de l’éloquence.

En quoi le silence n’est-il pas une faiblesse ?

Amélie Blanckaert : Je pense qu’il correspond à la fois à un besoin (de respiration, de temps pour soi) et à une vraie nécessité dans la mesure où, dans la société actuelle, nous sommes envahis de bruits et de sollicitations. Nous sommes sans cesse sommés de parler, de réagir à chaud, d’exprimer un avis. Or, il est important de nous accorder des temps de respiration personnelle. Selon moi, il n’y a pas de dialogue et de vie en commun possibles sans ces instants de silence qui doivent être réguliers.

Erasme disait : « Hâte-toi lentement ». J’adore cette phrase. Nous sommes dans un monde pressé et nous ne pourrons pas le changer. Comme nous ne pouvons être en permanence dans le silence et dans un rythme lent. Cependant, nous pouvons décider de nous hâter lentement, c’est-à-dire d’obéir à notre propre rythme. Il faut donc trouver ce juste tempo et cette juste alternance entre parole et silence.

Faire silence doit-il donc devenir une discipline, une exigence personnelle ?

Le leadership actuel repose sur le modèle de celui qui s’exprime, qui prend la parole. Cette vision du monde a du bon, bien sûr. La parole reste un pouvoir, elle permet de partager ses convictions. En revanche, l’injonction de parler en permanence devient un poids voire parfois un handicap. Pourquoi ? Car on n’a pas toujours quelque chose à dire !

Par ailleurs, il ne faut pas confondre vérité et opinion : les réseaux sociaux nous invitent en permanence à réagir à chaud, mais ce n’est pas toujours facile de dire quelque chose d’intelligent et de juste qui nous ressemble. Et pour cela, il faut ces temps d’introspection, il faut ces parenthèses. En somme, tout est une question d’équilibre.

De même, puisque nous évoquons les opinions, vous précisez bien qu’il s’agit de valoriser le silence choisi, pas subi….

Le silence, c’est comme la parole, il peut tuer. Le silence du harcèlement, de la dictature, du drame, etc. Évidemment, ces silences tragiques, il faut absolument tout faire pour les éviter. De même, il y a des paroles qui assassinent, ou encore, on peut estimer que le fait de toujours devoir prendre la parole, c’est une forme de violence.

Parole et silence sont comme le yin et le yang : l’un est juste l’autre facette de l’autre. Aussi, l’être humain doit rester libre de ses choix et conserver la possibilité de ne pas toujours réagir. D’autant plus qu’il faut sans cesse rester joignable, jusque sur les réseaux sociaux. Or, l’être humain a ce besoin de respiration, ce besoin de prendre le temps pour formuler une vraie décision et répondre avec franchise. Les relations n’en seront que plus apaisées et l’équilibre de chaque personne meilleur.

Comment faire le silence autour de soi ?

D’abord, on peut se mettre dans une bulle de silence et décider, par exemple, de terminer son trajet pour aller au travail à pied en passant par un jardin public.

On peut aussi choisir de se lever un quart d’heure plus tôt et de rejoindre un espace silencieux, avant la cohorte du quotidien. On peut aussi rejoindre un endroit qui par définition est silencieux : un lieu de culte (même si on n’est pas croyant), une bibliothèque, un musée, un bois… Et chez soi ? On s’oblige à ne pas allumer d’écran ! Au travail, c’est s’accorder une pause sans nécessairement parler aux autres, c’est s’offrir un court temps pour soi, c’est marcher une quinzaine de minutes… Ce sont des moments de vide, sans objectif. Cela peut aussi être de s’assoir un instant sur un banc et d’accepter de ne rien faire !

Quels sont les bénéfices de ce genre de rituels ?

Des études scientifiques ont démontré que renouer avec le silence facilite énormément la concentration. On a longtemps cru que la musique classique ou des musiques douces favorisaient la concentration : c’est faux. Par exemple, l’Université du Maryland a affirmé que les résultats en mathématiques étaient bien supérieurs chez les étudiants qui travaillaient en silence, en comparaison avec ceux qui avaient écouté de la musique. Cela montre bien que le bruit a un effet toxique. Il cause du stress, il réduit la concentration et crée de la fatigue. Le silence, lui, diminue les tensions. Il favorise un bon rythme cardiaque. Il a des effets positifs tant psychiques que physiologiques.

En quoi le silence permettra-t-il aussi une meilleure prise de parole ?

Il n’y a pas d’éloquence sans silence. C’est-à-dire que non seulement le silence permet de se retrouver, de penser, d’avoir du temps pour soi pour s’inspirer, de mieux appréhender une information, mais il permet aussi de mieux s’exprimer. Prenons un cas très simple : quand vous vous autorisez à faire des silences avant de parler, vous vous apaisez vous-même. Vous êtes en situation de contrôle et de confiance. Votre interlocuteur, alors, vous écoutera, car vous ne vous précipitez pas pour parler. Cela donne à l’autre un espace pour lui-même. Cela crée une conversation qui n’a plus rien à voir, qui se base sur le respect de l’autre.

Pour ne rater aucune actualité en matière de qualité de vie au travail, inscrivez-vous à la newsletter de My Happy Job, parcourez nos hors-séries thématiques  et découvrez notre annuaire du bien-être au travail.

A lire aussi :
– “Il faut réapprendre à communiquer avec soi-même”
– Les bénéfices d’un café avec soi

Article précédentEt si nous gérions nos énergies comme les athlètes ?
Article suivantMon idée QVT #40 : Le leadership incarné
Diplômée en lettres modernes, Céline Tridon a suivi une formation en journalisme à l’IPJ. Elle y a confirmé son envie de travailler pour la presse écrite et web, souhait exaucé à travers la collaboration avec différents supports sur les thématiques « entreprise », « monde du travail », « management » et « RSE ». En 2023, elle reprend la rédaction en chef de My Happy Job.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici