Le sexisme ordinaire en entreprise reste une triste réalité. C’est pourquoi il est nécessaire d’en parler, de ne plus laisser sous silence des phrases et des situations qui déstabilisent. Tout le monde est concerné : victimes, témoins, managers, RH. Explications avec Anne-Laure Thomas, directrice diversités équité et inclusion chez L’Oréal France, l’une des entreprises à l’origine du collectif #StopE.

Quelles sont les missions du collectif #StopE – Stop au sexisme ordinaire en entreprise ?

Anne-Laure Thomas : Le sexisme nous concerne toutes et tous. C’est un sujet de société, qui touche aussi bien les femmes que les hommes. Or, il y a quelques années, en plein débat sur l’égalité femmes-hommes, le sexisme pouvait encore apparaitre comme quelque chose d’anodin, qui relevait de l’ordre de la blague. Pourtant, son impact peut être très fort ! C’est pourquoi il était nécessaire que des entreprises se réunissent. En 2018, L’Oréal, Accor et EY ont ainsi sollicité une trentaine d’entreprises qui ont accepté de signer un acte d’engagement, sous l’égide du collectif #StopE. Ce sont leurs CEO eux-mêmes qui l’ont signé, car cette sensibilisation doit venir du plus haut niveau de l’entreprise. A travers cet acte d’engagement, les signataires doivent accomplir l’un des huit points : informer pour faire prendre conscience des comportements sexistes, diffuser des outils pédagogiques, sanctionner les comportements répréhensibles, mettre en place des indicateurs de suivi, etc.

Au bout d’un an, les 30 premiers signataires avaient rempli l’intégralité de la feuille de route. Aujourd’hui, en 2023, #StopE compte 151 signataires et s’apprête à en accueillir 50 nouveaux.

Comment définir le sexisme ordinaire en entreprise ?

Le sexisme ordinaire, ce sont des phrases, des gestes, des attitudes qui peuvent sembler anodins mais qui en fait ne le sont pas du tout. C’est dire d’une femme enceinte, ‘Elle les enchaine’. C’est dire à une collaboratrice, ‘Tu travailles ? Mais ce sont les soldes aujourd’hui.’ C’est aussi lui couper la parole en réunion ou en visio, c’est lui demander de servir le café… D’après notre Baromètre Stop au sexisme 2022, le sexisme a un impact pour 8 femmes sur 10. Mais comme je le disais, il concerne aussi les hommes car 4 hommes sur 10 sont victimes de sexisme. Pour eux, cela se traduira notamment à travers des sujets sur la parentalité : ‘Tiens, c’est toi qui prends la journée enfant malade ?

Comment alors l’éviter ?

Le sexisme ordinaire peut être volontaire ou involontaire, conscient ou inconscient. L’objectif est de généraliser la prise de conscience, pour éviter que ces situations ne se reproduisent. Il faut travailler sur ces biais. Il faut mettre en avant ce qu’on peut dire et ne pas dire, ce qu’on peut faire et ne pas faire. D’où la nécessité de former les collaborateurs en entreprise. Par exemple, nous diffusons aux signataires de #StopE des guides et des modules de e-learning. Nous avons même intégré des universités et écoles post-bac parmi nos partenaires, pour partager les bonnes pratiques en matière de lutte contre le sexisme dans les études supérieures et pour éveiller les consciences le plus tôt possible.

Que faire si on n’est pas victime, mais témoin de sexisme ?

Quand on est victime, on se laisse surprendre. Parfois, c’est compliqué de répondre, on ne sait pas comment réagir. Et surtout, on a le droit de ne pas trouver les mots ! Le rôle du témoin est donc essentiel pour dire à celui qui va trop loin  que la phrase qu’il vient de prononcer est sexiste. Cela aide à faire prendre conscience des limites à ne pas franchir. Il faut sensibiliser l’ensemble des collaborateurs.

L’enjeu est donc, aussi, de libérer la parole sur le sujet ?

En effet, que l’on soit victime ou témoin, il faut réagir rapidement, il faut parler de ce qu’il s’est passé, que ce soit à un collègue ou à un responsable. Quand on est témoin, il faut venir en aide à la victime en lui proposant par exemple d’en rediscuter avec elle. Certains penseront que c’est anodin. Or, non seulement la répétition a un impact mais on ne perçoit pas tous les messages de la même manière. Il ne faut jamais minimiser les situations de sexisme. Les RH ont un vrai rôle à jouer. Par exemple, on sait que dans les équipes mixtes, il y aura moins de sexisme. Ce sont la mixité des métiers et des équipes, l’exemplarité des comportements RH et des managers qui élimineront le sexisme ordinaire en entreprise.

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Diplômée en lettres modernes, Céline Tridon a suivi une formation en journalisme à l’IPJ. Elle y a confirmé son envie de travailler pour la presse écrite et web, souhait exaucé à travers la collaboration avec différents supports sur les thématiques « entreprise », « monde du travail », « management » et « RSE ». En 2023, elle reprend la rédaction en chef de My Happy Job.

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