Pour aborder un sujet avec son interlocuteur, il ne faut pas se contenter d’énoncer un compliment (ou un reproche…). Il faut que le propos soit source d’apprentissage : tel est le principe du feedback, qui contribue à faire diffuser le savoir. Explications avec Stéphane Moriou, conférencier, entrepreneur et auteur du livre « Feedback, le pouvoir des conversations » (éditions Dunod).
Quelle définition donner du feedback ?
On peut se baser sur les deux mots anglais qui le composent : feed pour nourrir, back qui signifie en retour. Faire un feedback, c’est délivrer, à son interlocuteur, un commentaire qui va le nourrir en retour. On peut même l’envisager comme un cadeau qui l’aidera à réaliser son potentiel.
Quels sont l’art et la manière de faire un feedback ?
Le feedback est plus complexe qu’il n’y parait. C’est un langage qui repose sur un vocabulaire et une grammaire. Comme toute langue étrangère que l’on doit apprendre (anglais, espagnol ou autre), on commence par une approche très technique. On acquiert des mots, quelques règles de grammaire de base, mais si on veut devenir bilingue, il faut aussi beaucoup d’expérience.
Le feedback est donc assez simple à comprendre. Cependant, il regorge de subtilités qui peuvent amener à commettre quelques erreurs.
Quelles sont ces erreurs ?
Par exemple, les compliments ne sont pas du feedback. C’est un retour qui n’est pas nourrissant, qui n’aide pas à grandir. Bien sûr, les compliments témoignent d’une certaine reconnaissance, mais le feedback apporte une dimension supplémentaire, où on peut devenir encore meilleur.
L’autre grande erreur encore très fréquente, c’est la technique du feedback sandwich : on a quelque chose de désagréable à dire à l’autre et on craint que cela ne soit pas bien perçu. Alors on l’enrobe avec un petit compliment au début et un petit encouragement à la fin. Or, les gens ne sont pas dupes.
Car l’objectif du feedback est bien est de parler de positif comme de négatif ?
Beaucoup pensent que le feedback, c’est une mode à l’américaine qui consiste à dire « tout est merveilleux ». Bien sûr, cela s’inscrit dans un tel courant de psychologie positive, mais ce n’est pas que ça. Le feedback peut reposer aussi bien sur des choses positives qui nourrissent, que d’autres négatives, qui aident à progresser également. Et il faut apprendre à se les dire.
Par exemple, quand on fait quelque chose de bien, on ne le sait pas forcément. Tant que quelqu’un ne le verbalise pas, on n’aura pas la conscience qui permet la reproduction du geste.
Les méthodes de feedback différent-elles selon le message et/ou l’interlocuteur ?
L’une des techniques de base, c’est de préciser quelque chose qui permet de factualiser le discours. L’effort de celui qui reçoit le feedback doit se porter sur le changement de comportement, pas sur la compréhension du feedback.
D’ailleurs, j’utilise souvent une technique qui s’appelle le « star » : situation, action, résultat. C’est un outil du management classique, mais c’est très utile en feedback. Cela permet de rendre un discours plus concret.
A qui s’adresse le feedback ?
Le feedback n’appartient à personne, dans le sens où tout le monde peut apprendre quelque chose à tout le monde. Cela ne s’arrête pas à la relation manager/managé ! Bien sûr, un manager doit donner du feedback à un collaborateur… et réciproquement ! Le collaborateur doit être autorisé à donner du feedback à son manager, car les managers ont aussi besoin de grandir. De même, les top managers doivent se donner du feedback entre eux, comme les managers entre eux et les collaborateurs entre eux.
L’esprit du feedback, c’est de comprendre l’importance du message et non du messager.
Tout le monde y est-il réceptif ?
Les recherches scientifiques portant sur le feedback mentionnent que 4 % de la population est totalement hermétique au feedback. Parmi les 96 % restants, les personnes seront potentiellement réceptives. « Potentiellement » car souvent, les réservoirs à estime de soi ne sont pas suffisamment remplis. Et ce manque de reconnaissance fait qu’à un moment donné, on a le sentiment d’être en permanence jugé. C’est une réaction humaine, légitime mais il faut se rendre compte que l’autre n’est pas là pour nous critiquer, mais pour nous faire grandir. C’est pourquoi il faut apprendre à sortir de cette relation très jugeante, au profit d’une relation plus nourrissante. C’est un changement de paradigme qui permet à la connaissance de se diffuser d’une manière différente. Ainsi, l’apprentissage par transmission permet au savoir de se démultiplier.
Extrait du livre « Feedback, le pouvoir des conversations » (éditions Dunod)
Il n’existe que deux types de feedback. Le premier s’appelle « feedback positif » ; il s’attache à faire prendre conscience d’un potentiel. Le second s’appelle « feedback correctif » ; il s’attache à réduire l’impact négatif d’une interférence. (…) Il verbalise ce qui pourrait être fait différemment dans le futur.
Exemple :
- « Dans notre dernière réunion, je ne me suis pas senti écouté » : inefficace.
- « Dans notre dernière réunion, si tu m’avais passé la parole, je me serais senti plus écouté » : un peu moins inefficace.
- « Dans notre prochaine réunion, si tu me passes davantage la parole, je me sentirai plus écouté » : efficace.
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