Pour Adrien Chignard, psychologue du travail, les actions en faveur de la qualité de vie au travail (QVT) ne devraient pas se résumer à une “surenchère de services périphériques à l’activité”. Sa conviction ? Mieux vaut agir sur le travail et “trouver en dehors du travail des espaces de ressourcement nécessaires à la santé et à la performance”.
Depuis la signature des accords nationaux interprofessionnels sur le stress au travail de 2008 et QVT en 2013 des comités de pilotage ont été formés et des diagnostics sont menés chaque jour sur le territoire. Mais qu’en est-il des actions et de leur efficacité ? Les recommandations de l’ANACT vont dans le sens d’une prévention primaire des risques psychosociaux qui semble bien difficile à mettre en place.
Lorsqu’il s’agit de déployer des actions pour enrayer les RPS ou promouvoir la QVT, certains choix témoignent d’une confusion dans les paradigmes. On assiste à l’implantation de solutions périphériques à l’activité qui peuvent avoir des effets pervers et alimenter les RPS. Prenons l’exemple des cours de yoga au travail.
Ils agissent sur la relaxation des salariés et visent à diminuer le stress induit par le quotidien professionnel. Ils ne permettent en rien d’atténuer la source du stress mais ne font que tendre vers une diminution de l’effet.
Comment continuer de chérir la cause quand on maudit la conséquence ? On contourne le problème en s’efforçant de remplir le tonneau des danaïdes : sans action sur le travail on n’influe pas sur les sources des tensions.
On peut pousser encore la démonstration : en prenant du temps pour le yoga au travail je me prive de ce même temps pour le pratiquer hors temps de travail. Je réduis ainsi probabilité de rencontrer de nouvelles personnes dans la sphère extra professionnelle. J’appauvris par la même occasion un de mes facteurs de protection potentiel : la création d’un réseau affinitaire qui est positivement corrélé à la santé mentale. Non seulement ça n’aide en rien à réduire mes sources de stress mais en plus ça altère un de mes facteurs de protection tout en augmentant mon temps de présence sur mon lieu de travail.
« Oui mais nos salariés sont contents de ces cours de yoga, c’est donc une pratique QVT/RPS efficace ». Là est le piège : l’agréable est un concept différent du sain. Je peux trouver agréable de me nourrir majoritairement de fromage et de chocolat, est ce sain pour autant ? je peux me forcer à pratiquer la course à pied 45 minutes par jour même quand il neige, c’est sain mais est-ce vraiment agréable ?
La confusion des concepts amène à prendre des décisions contre-productives qui tendent à faire du lieu de travail le lieu de vie principal des salariés alors qu’il représente déjà la deuxième activité de notre vie après le sommeil. Pour être en bonne santé, épanoui et productif, les études montrent qu’un bon équilibre des vies personnelles et professionnelles est essentiel. En parallèle les programmes de bien être non centré sur l’activité n’ont au mieux aucun impact sur la santé au travail.
Évitons la surenchère de services périphériques à l’activité et orientons-nous vers la parcimonie pour trouver en dehors du travail des espaces de ressourcement nécessaires à la santé et à la performance.
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