Co-fondatrice de Raise, un fond d’investissement responsable et éthique, Clara Gaymard défend l’idée d’une économie bienveillante, créatrice de valeur et porteuse de bonheur au travail. Ancienne directrice de cabinet auprès de la ministre de la Solidarité entre les générations, puis vice-présidente de General Electric International, Clara Gaymard est aussi la présidente du Women’s forum de dont la prochaine édition se tiendra à novembre au Carrousel du Louvre.

Votre définition du bonheur au travail. C’est de se lever le matin et d’être heureux d’aller au travail. Pour cela, il faut se sentir utile et reconnu dans son travail, et côtoyer des collègues avec lesquels on se sent bien.

La période de votre vie où vous vous êtes sentie la plus épanouie dans votre travail. Je dirais maintenant, car avec mon associé Gonzague de Blignières, nous avons créé avec RAISE, un projet qui donne du sens à notre métier et démontre que l’on peut concilier performance et générosité à partir du moment où on le décide. Nous avons recruté une équipe formidable. Ce sont eux qui font l’entreprise : nous on a eu l’idée, mais c’est grâce à leur travail, à leur motivation et à leur confiance qu’on nous avançons chaque jour.

Vous êtes très attachée à cette notion de confiance... Il n’y a pas de bonheur sans confiance. Quand nous avons écrit ce livre*, nous nous sommes rendus compte que les process et organisations avaient été mis en place pour de bonnes raisons, mais tuaient les initiatives. Les grandes entreprises étaient dans une crise de confiance. Mais la confiance ne se décrète pas, elle se donne, c’est une capacité d’écoute et d’adaptation qui repose sur trois piliers : la confiance en soi, la confiance en l’autre, et la confiance dans l’organisation au sein de laquelle on travaille.

* Clara Gaymard a participé à la rédaction de l’ouvrage « Et la confiance Bordel ! » avec Financi’elles, aux éditions Eyrolles

Le meilleur conseil que vous avez reçu. Je ne me souviens pas de conseils qui m’aient fait avancer dans ma vie professionnelle. Je me suis plutôt construite contre les conseils que l’on me donnaient. J’ai souvent entendu « Clara, reste à la maison avec tes enfants ! », « Clara, tu en fais trop, lève le pied ! » C’était des conseils négatifs plutôt que des encouragements. Et ils étaient tellement répétitifs que ça m’a stimulée. Je le dis car je pense que beaucoup de femmes subissent ça.

Le conseil que vous donnez aux plus jeunes. Oser tout dire : on peut tout demander. On n’obtient pas tout, mais il n’y a pas d’idée ou de projet absurde. On ne doit pas se mettre de limites a priori. Le deuxième conseil, c’est de supprimer le mot culpabilité de son vocabulaire, car on ne fait pas tout bien, mais avec la culpabilité, on n’assume pas vraiment ses choix et on ne profite pas de ses erreurs pour avancer. C’est une des clés du bonheur : le contraire de l’amour n’est pas la haine, mais la peur. On doit faire de la peur sa compagne, en la gardant à côté de soi, mais faire passer l’amour devant.

L’amour… y compris dans le milieu professionnel ? Chez Raise, nous demandons à tous nos collaborateurs d’écrire une lettre d’amour. Une lettre de motivation est toujours conventionnelle et codifiée, tandis qu’une lettre d’amour est libre, et elles sont toutes magnifiques. On y retrouve à chaque fois nos deux ambitions : la création de valeur, et la philanthropie.

Et la bienveillance ? Quand nous avons lancé Raise, nous avons décidé que 50% des bénéfices réalisés seraient reversés à une fondation, en interne, dédiée à une cause qui nous est chère : l’accompagnement des jeunes entrepreneurs. Quand nous l’avons annoncé, certains nous ont dit que c’était un pari irréaliste et que nous n’arriverions pas à recruter. Et pourtant ! Aujourd’hui, nous en sommes à trois sociétés d’investissement déployées sur ce modèle de give back, nous accompagnons près de 200 startups avec notre fondation et nous sommes une trentaine de collaborateurs. Nous sommes convaincus que les entreprises qui ne partagent pas, qui fonctionnent sans générosité, réussiront moins que les autres. On oppose l’économie bienveillante à l’économie classique, car pour nous le sens et l’engagement sont les clés de la réussite.

** Clara Gaymard et Gonzague de Blignières ont lancé au printemps le Mouvement pour une économie bienveillante.(http://www.mouvementeconomiebienveillante.com/)

Votre arme antistress. Je m’arrête, je respire et je médite. Les décisions à chaud, dans le stress, sont toujours les plus mauvaises. Ensuite, j’essaie de garder à l’esprit que ce stress concerne un dossier, et non pas ma personne directement. Enfin, mon dernier conseil antistress : écouter, écouter, écouter. Même si je réagis beaucoup à l’instinct, je reste ouverte à tout ce qui se passe, et si j’échoue ou je me trompe j’aurai appris quelque chose.

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Titulaire d’un master de journaliste au Celsa (Paris), Lucie Tanneau est journaliste indépendante, sillonnant la France, et plus particulièrement l’Est de la France au gré des thèmes de ses articles. Elle collabore à de nombreux titres, de Liaisons sociales magazine, La Vie, et Okapi, en passant par Grand Est, l’Est éclair, Village, et Foot d’Elles.

1 COMMENTAIRE

  1. Message suite a la lecture de l’interview de Clara Gaymard.
    Je rêve. Je rêve de passer d’un métier judiciaire dans le secteur public à un métier dans lequel je pourrai laisser libre cours à ma creativite, à mon idée, novatrice et inexistante, mon idée de l’économie éthique et bienveillante en offrant à un public sensibilise une façon différente de consommer et de se faire du bien ! Mais il faudrait un investisseur qui y croit et ce n’est pas si simple de le trouver quand on est une femme, directrice, tres diplômée certes mais dans un monde d’hommes où le modèle actuel domine et obéit à des critères précis où remplir un certain nombre de cases est nécessaire… Le cadre, Oui, est nécessaire mais il est aussi sclerosant et bloquant pour l’initiative. L’utopie est nécessaire au rêve, ce n’est que grâce à elle que l’on peut oser faire bouger les lignes.
    Christelle.

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