S’il y a bien un après burn-out (qui laisse parfois des séquelles), il faut toutefois bien souvent passer par la case « arrêt maladie » (ou interruption d’activité pour les entrepreneurs). Et ce n’est pas si simple !
Le « burn-outé », ou « épuisé » a bien souvent beaucoup de mal à s’arrêter. Ce n’est pas « son style » : perfectionniste, rigoureux, animé par une valeur « travail » très forte, limite « workaholic », il n’est pas rare que son corps lui impose l’arrêt alors qu’il (ou elle) ne l’envisageait absolument pas (« moi, en arrêt ? Hors de question », « Tout va bien, je me reposerai plus tard, ce n’est pas le bon moment là »).
Sauf qu’un matin, le corps (et/ou la tête) dit stop. Rideau. Black-out. Hors-service. Plus de concentration, impossibilité de se lever, voire de parler. Bien évidemment, cela ne se passe pas systématiquement aussi violemment mais il est tout de même peu fréquent que le salarié, de lui-même, se rende chez son médecin en lui demandant de l’arrêter. Le « verdict » du médecin est d’ailleurs très souvent difficile à avaler : « Je vous arrête ». La sentence est parfois terrible. Si certain(e)s ressentent un soulagement tout à fait légitime (notamment en cas d’épuisement lié à un harcèlement), d’autres voient au contraire le sol s’ouvrir sous leurs pieds.
Pourquoi ? Parce qu’elles n’ont bien souvent aucune envie de s’arrêter. Elles préfèrent travailler ! Très investies, elles ne conçoivent pas d’être aux abonnés absents. Il n’est d’ailleurs pas rare qu’elles se rendent au bureau…ordonnance dans la poche ! Elles poussent alors leurs limites au delà du raisonnable avant de finalement s’avouer « vaincu » peu de temps après et d’admettre qu’il est grand temps d’arrêter les dégâts.
“La décision d’arrêter est complexe à vivre car incontournable, non désirée, parfois imposée et de fait non acceptée”
Comme a pu l’écrire S. Bataille dans Se reconstruire après un burn-out, « la souffrance est davantage évoquée et ressentie à partir de l’annonce officielle de l’arrêt, alors qu’elle l’est très peu avant. L’arrêt inscrit une étape de non-retour dans le rapport au travail, au métier et à l’emploi en général. […]. Cet arrêt est vécu douloureusement, car imposé par une situation que le salarié n’a bien sûr pas voulue, et bien souvent à laquelle il n’est pas préparé. C’est cette violence et cette soudaineté qui déstabilisent encore une fois et créent des ondes de choc pour l’entourage de proximité aussi. La décision d’arrêter est complexe à vivre car incontournable, non désirée, parfois imposée et de fait non acceptée. Au delà du corps, c’est l’ego qui souffre, l’image de soi et la culpabilité liée aux doutes sur ses compétences et ses aptitudes. »
Les choses se compliquent davantage lorsque le salarié avait mis tous ses « œufs dans le même panier ». Autrement dit, lorsque son travail prenait toute la place. C’est souvent le cas dans les mois précédant l’effondrement (dans la période de surchauffe dite de « burn-in ») : désinvestissement de la sphère extra-professionnelle, éloignement du cercle d’amis, annulation de rendez-vous médicaux, abandon des activités sportives, etc. Le vide est alors énorme une fois en arrêt. L’effondrement (ou décompensation) peut d’ailleurs arriver à ce moment là. La personne se retrouve confrontée à ce vide parfois « intergalactique » pour reprendre les mots fréquemment utilisés par les victimes de burn-out. Elles se rendent compte du néant dans lequel les a plongé leur surinvestissement au travail. Elles se rendent compte d’avoir négligé leur famille, leur époux(se), leur(s) enfant(s), leur santé, leur(s) ami(s) et, plus fondamentalement…elles-mêmes. C’est alors l’heure de la prise de conscience qui, bien souvent, fait mal : « mais comment en suis-je arrivé là ? », « comment j’ai autant pu m’oublier ? », « tout ça pourquoi ?… ».
Vient alors la culpabilité, l’amertume voire parfois la colère à l’égard de l’entreprise ou de l’institution. D’autant qu’il est socialement difficile d’être en arrêt. En marge de la « masse » se rendant au travail tous les jours, la personne arrêtée pour burn-out culpabilise de ne pas se rendre au travail, de ne pas avoir « tenu le choc » comme les autres. Elle se sent « faible » et s’imagine ne plus jamais être à la hauteur. Un mécanisme de dévalorisation se met en place, rendant la reprise d’autant plus compliquée.
L’arrêt, une période absolument nécessaire
Il n’est pas non plus évident de perdre du jour au lendemain ses repères quotidiens : la journée de chacun est en principe rythmée par le départ au travail et le retour à la maison. Tout à coup, plus rien. Que faire de sa journée ? Qui voir ? A qui parler ? Quel sens donner à son quotidien ? Faut-il remplir ce vide ou au contraire s’y abandonner un peu ? Et puis, que dire aux autres ? Aux enfants ? A la famille ? Aux amis ? Aux collègues ? La « honte » est souvent présente. Comment expliquer ce mal-être physique et psychique, cette incapacité soudaine à envisager l’avenir ? Et comment justifier auprès des autres des semaines, des mois, voire parfois des années d’arrêt ? Que raconter le soir à son conjoint ou sa conjointe lorsque l’activité principale de la journée a été de vider le lave-vaisselle ou de sortir le chien ? Toutes ces questions font de l’arrêt une période délicate à gérer.
Pour autant, il s’agit d’une période absolument nécessaire. Tout d’abord parce qu’il est absolument impératif d’arrêter la casse et de se reposer. Ensuite, parce que seule cette période, idéalement prolongée jusqu’à votre complète guérison (vérifiée et validée dans le temps par un professionnel de santé) vous permettra de vous poser les bonnes questions et de repartir de bon pied. La plupart du temps, le début de l’arrêt vous sert à vous reposer, à ne rien faire (et ce n’est pas simple !), à ne pas empirer la situation. Puis, petit à petit, l’énergie va revenir, doucement. Les envies vont également refaire leur apparition. Ce sera alors l’heure de vous poser et de répondre aux questions suivantes : comment ai-je envie de continuer ma vie ? Quel sens ai-je envie de lui donner ? Comment retourner à l’emploi ? Avec quelles limites et quels garde-fous ? Qui peut m’aider à y voir plus clair dans ces questionnements ?
Parce que reprendre trop vite est une erreur et augmente votre risque de rechute, il est fondamental d’utiliser la dernière partie de votre arrêt pour entrevoir l’avenir et vous projeter. Dessiner votre vie future. Ses contours, son contenu … parce que si il y a bien un après, il est essentiel de le rendre plus doux que l’avant. Pour cela, souvenez-vous : votre arrêt est un ami qui vous veut du bien !
Ex-chasseuse de tête, enseignante-chercheur en droit des affaires, Marina Bourgeois est consultante en reconversion professionnelle et bilan de carrière.
Elle a fondé les Samedis du Burn-Out, un événement mensuel dédié à l’échange et à la construction d’outils de sensibilisation à la souffrance au travail. Plus d’infos : www.oser-rever-sa-carriere.com
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Crédit photo : © Michail Petrov – Fotolia.com
bonjour Marina
Je vous remercie pour cet article.
Le burnout est un sujet très sensible, je vous remercie d’en parler ici dans cet article.
Que dire aussi du burn-out parental ? Lorsque l’on cumule une surcharge mentale sur les deux fronts, le back out est total, et souvent violent.
J’ai eu l’opportunité d’interviewer une thérapeute familiale au sujet du burnout familial, je vous invite à voir son interview ici : https://www.papa-et-patron.fr/le-burn-out-maternel-et-paternel-vu-par-florence-beuken-et-comment-leviter/
Je pense que les conseils peuvent s’appliquer pour le burnout professionnel.
Au plaisir
Evan