Manque de motivation, peur d’échouer, surcharge de travail et donc manque de temps : les raisons pour ne pas se mettre en action sont diverses. Pour Chloé Ascensio et Magali Thoraval, coachs et auteures du livre L’Art d’agir sans effort (Afnor éditions), s’inspirer de la philosophie taoïste permet d’équilibrer temps d’action et temps de réflexion. Et, ainsi, d’aller vers une certaine idée de la réconciliation avec soi.
En quoi le taoïsme permet-il de se mettre en mouvement, d’avancer dans sa vie professionnelle ?
Chloé Ascensio : Le taoïsme explique, dès l’Antiquité, que pour pouvoir vivre longtemps, en économisant son effort, il faut essayer d’imiter le « Tao », c’est-à-dire le fonctionnement des choses. Et le fonctionnement des choses, c’est l’alternance équilibrée de temps yin, qui sont des temps de repos, de réflexivité, de ressourcement, et donc d’immobilité et de silence, et les temps yang, qui sont les temps d’action où l’on fait, parle, bouge, etc. L’idéal est d’alterner harmonieusement ces temps yin et ces temps yang. L’excès de l’un ou de l’autre sera contre-productif.
Magali Thoraval : Sans équilibre, il n’y a plus de prise de distance possible. C’est en cela que le taoïsme est intéressant : il nous permet de rentrer à la fois dans le fonctionnement des choses, mais aussi de les voir se réaliser. D’ailleurs, quand une personne est dans une situation de burn-out, elle n’a plus cette capacité de distanciation. Elle jongle d’un dossier à l’autre, s’empare de tous les sujets. Elle n’est pas en mesure de prendre un instant et de se demander ce qui est en train de se passer. Si elle est dans la bonne situation. Ou si elle doit plutôt être dans l’attente.
Dans votre livre L’Art d’agir sans effort (Afnor éditions), vous distinguez l’inaction passive, de l’action effort ou même encore de l’action sans effort. Pourquoi cette distinction est-elle nécessaire ?
Magali Thoraval : Ce sont des tendances liées à un contexte, à un moment ou à son tempérament. C’est le cas par exemple d’un étudiant qui, pour rejoindre une école réputée et travailler le plus possible, se couche tard, révise d’arrache-pied : dans ce contexte subjectif, il valorisera le yang, le faire. Or, il y a des moments dans nos vies où nous n’avons pas besoin d’être dans cet excès-là. Concernant l’étudiant, il peut trouver un autre rythme de croisière, sans rogner sur son sommeil et en travaillant autant. En retournant vers du « repos », il disposera de toute son énergie quand cela sera nécessaire.
Comment impacter la volonté d’agir des collaborateurs ?
Chloé Ascensio : A son échelle personnelle, ce que nous prônons, c’est un agir qui serait stratégique, un agir sans effort. Dans une journée de travail, cela suppose par exemple de ne pas enchainer les réunions sans se laisser un temps yin, soit un temps de réflexion, de préparation entre chaque moment fort. C’est, aussi, adopter une posture beaucoup plus stratège et s’interroger : qu’est-ce que j’en attends ? Quel est mon objectif ? Dans quoi souhaite-je mettre mon énergie ? Quelles sont mes priorités ? Sans oublier une dimension relationnelle : comment vais-je m’appuyer sur les autres ? Qu’est-ce que je vais faire seul ? Qu’est-ce que je peux déléguer ? La posture stratégique de l’agir sans effort, c’est aussi d’accepter de nous appuyer davantage sur les autres, ce que nous ne savons pas faire naturellement.
Magali Thoraval : Quant aux managers, ils doivent apprendre à poser un cadre structurant avec des règles, des objectifs clairs, des indicateurs précis et des règles de fonctionnement. C’est aussi accepter de faire confiance à l’autre, laisser vivre son équipe avec un agir qui est minimaliste.
Ce cadre est contractualisé avec l’équipe, car il faut que cette dernière s’y retrouve. L’équipe aussi peut subir la « sur-action », la « sur-agitation » qui l’empêcheront d’atteindre son l’objectif…
Agir sans effort, c’est tendre vers une forme de paix, avec soi et avec les autres ?
Magali Thoraval : On peut même parler d’apprendre à se reconnecter à son corps ! C’est aussi ce que les taoïstes défendaient : si nous sommes connectés à nos ressentis émotionnels et physiques, nous sommes en mesure d’identifier nos besoins. Nous sommes ainsi davantage en présence à soi, tout en étant en présence à l’autre. En somme, être connecté à notre corps permet d’être stratège de notre temps et de nos relations. Malheureusement, nous avons désappris à écouter notre corps, car notre société et notre éducation favorisent davantage le mental et non le corporel.
Chloé Ascensio : Il faut une réconciliation entre ce que le corps a envie de faire et la volonté. Cette dernière est très positive car elle nous aide à nous projeter. Mais souvent, et surtout dans la culture française, elle se transforme, elle est excessive et elle devient du volontarisme. Ce n’est pas donc écologique pour soi, comme cela ne l’est pas non plus pour l’autre. Le risque est alors de chercher à tout prix à convaincre, par exemple. Or c’est en apprenant à écouter que nous avons plus de chances d’avoir de l’influence sur l’autre. Pour lui éviter de se sentir agressé et de se mettre en retrait.
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