Astrid Guyart, 33 ans, mène une double vie. Ingénieure aérospatiale chez Airbus, elle est aussi escrimeuse. Membre de l’équipe de France de fleuret, elle a ainsi remporté plusieurs médailles d’argent et de bronze par équipe lors de championnats du monde et d’Europe. L’été dernier, elle a terminé à la sixième place, en individuel, aux Jeux olympiques de Rio.
Votre définition du bonheur au travail. C’est de ne pas avoir la sensation d’être au travail ! Cela fait 15 ans que me lever le matin est une évidence tant mes objectifs me font vibrer, j’espère être en mesure de cultiver cela pour de longues années encore.
Le meilleur conseil que vous ayez reçu. “Suivre davantage mon intuition et mes ressentis” ! Certainement à cause de mon bagage d’ingénieur, ce fut le plus dur à faire. J’ai du apprendre à faire confiance à mon instinct, à ne pas toujours avoir du contrôle sur ce qui allait se passer, à oublier la logique pour laisser place a l’émergence. Heureusement, le sport m’a appris à improviser et à prendre du plaisir dans l’imprévu. Notre cerveau inconscient est rapide et malin, c’est lui qui a les clés de notre créativité, il est en quelque sorte la voie royale de l’expression de nos talents, il faut être fou pour s’en couper !
Votre bureau idéal. Avec mes nouvelles missions de manager, il faut être sur le terrain, au plus près de ses équipes. Impossible donc de rester chez soi dans le cocon de son univers personnel. L’idéal dans ce cas c’est d’être soi-même son propre bureau ! Un bureau immatériel comme un univers qu’on transporte partout avec soi. Un univers qu’on peut recréer avec chacun de nos interlocuteurs et dans lequel on invite les autres à entrer avec bienveillance et respect.
Votre mantra. “Faire du mieux que l’on peut à chaque instant”. C’est le meilleur moyen de ne jamais avoir de regrets quelque soit le résultat et d’être sur d’avoir exploiter pleinement son potentiel. C’est aussi une posture d’humilité car elle suggère une démarche de progression permanente. On fait de son mieux à chaque instant en fonction de ses capacités du moment et si on se trompe, on apprend de son erreur et on augmente ainsi sa capacité à gérer les instants qui suivront. C’est un mantra qui permet de réapprendre à apprendre.
Une journée de travail réussie c’est… lorsque l’on progresse soi-même ou que l’on fait progresser quelqu’un. “Ai-je appris quelque chose aujourd’hui ?” ou “Ai-je appris quelque chose à quelqu’un ?”. La sensation de progresser un peu plus chaque jour et d’apporter à un collectif ou à un tiers peut donner toute sa raison d’être à une journée.
Votre arme antistress. Tout dépend du contexte :
– quand il faut agir: ma concentration, ma capacité à être dans le moment présent, dans l’ici et maintenant, qui est finalement la seule chose sur laquelle je peux agir et qui efface automatiquement les pensées anxiogènes souvent liées à nos projections dans le futur ou à nos retours dans le passé ;
– quand on ne peut pas agir: l’humour qui est la meilleure façon de relâcher collectivement les tensions et de changer de posture par rapport à une situation. Quand on ne peut pas changer les choses, on peut toujours changer de regard. Je fais une grande différence entre travailler sérieusement et se prendre au sérieux.
Votre plus grande fierté. La qualification aux JO de Londres par équipes. Ce fut une aventure humaine à la fois forte et complexe. Il a fallu se mettre à nu pour y arriver collectivement car, quelques mois auparavant, cette qualification relevait du miracle… Sportivement, c’est également un scénario incroyable puisque nous obtenons la qualification sur le dernier match de la dernière compétition sélective sur nos adversaires directes (les Hongroises) chez elles à Budapest. C’était elles ou nous! On ne peut pas faire plus intense en terme d’émotions et d’adrénaline !
L’échec qui vous a le plus appris. La 4e place aux JO de Londres. J’y ai appris que rien n’est jamais acquis. Quand un collectif, une personne, un système a des défauts ou des dysfonctionnements naturels, une amélioration récente ne s’inscrit pas tout de suite dans la durée. C’est de la physique : quand on relâche l’effort, un système revient toujours dans sa position d’équilibre, dans sa position de confort même si celle-ci est mauvaise. Il faut donc sans cesse être vigilant, le temps au moins que le nouveau mode de fonctionnement s’inscrive dans l’ADN et devienne la nouvelle référence.
La personne qui vous inspire. Ma nièce de 2 ans, car son monde intérieur est encore pur et spontané. A son contact, je me recentre sur l’essentiel et je me décentre de mes petits problèmes. Il y a aussi une femme qui m’étonne et que j’ai découverte récemment: Marina Abramovic. Par ses performances artistiques, elle donne une dimension presque tangible aux émotions et aux sensations. C’est une chercheuse de la Vie au sens large.
Le livre qui vous a le plus fait avancer. Ma collection d’albums jeunesse Les Incroyables Rencontres de Jo ! (1)Tout simplement parce qu’en écrivant ses histoires, j’ai pu mettre des mots sur des expériences et des valeurs que la pratique du sport de haut niveau m’avait offert ! C’est comme si, par l’écriture, j’avais fini d’intégrer ces apprentissages et de les faire complètement miens.
(1) Sortie le 2 mars 2017 (Le Cherche Midi).
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