Alcool, tabac, cannabis, mais aussi hyperconnexion ou workaholisme… Le champ des addictions est vaste et la dépendance peut prendre différentes formes. Au travail, les salariés se mettent en danger eux-mêmes et pénalisent le reste de l’équipe. Pour prévenir tout risque, il est nécessaire de mettre en place une politique de prévention à différents niveaux. L’écoute y tient une place clé, ainsi que l’absence de tout jugement.
Deux-trois verres de vin à un déjeuner d’affaire, quelques coupes de champagne au pot de départ de son collègue ou pour fêter un nouveau contrat, un demi en fin de journée pour décompresser… et ainsi de suite tous les jours ou presque. Toute occasion devient une raison pour consommer de l’alcool : c’est une forme d’addiction, dans la mesure où ce qui devait être exceptionnel devient chronique, avec l’impossibilité de réduire cette consommation qu’on sait être néfaste – physiquement et psychologiquement. « L’addiction c’est la rencontre entre un individu, dans un certain environnement, et un produit. A la base, on recherche un plaisir, mais avec le temps, cela se transforme dans la nécessité d’assouvir un besoin », définit Vanessa Lauraire, psychologue du travail lors du webinaire Addictions professionnelles : comment les prendre en charge, comment les prévenir, organisé par Pros-Consulte en mai dernier.
L’addiction prend la forme d’une maladie-solution, la dite solution étant de soulager un besoin irrépressible et permanent. C’est pourquoi, les experts parlent des 5C de l’addiction : perte de contrôle, compulsion, consommation, usage continu, conséquence négatives. « Tous ces signes doivent se répéter sur une période d’au moins 6 mois pour parler d’addiction et de comportement addictif », souligne Vanessa Lauraire.
Les RPS comme facteur aggravant
Les formes de l’addiction sont variées : la dépendance peut être liée à l’usage de substances licites (tabac, alcool) ou illicites (drogues dures, cannabis), mais aussi à l’usage de psychoactifs médicamenteux (anxiolytiques, antidépresseurs). L’addiction peut également être comportementale, comme l’illustrent l’hyperconnexion ou le workaholisme. D’après une étude menée par l’INRS et l’Institut Cemka en 2021, les substances psychoactives qui posent le plus de problème chez les travailleurs sont l’alcool pour 91 % des répondants, le tabac pour 66 %, le cannabis pour 64 % et enfin les médicaments psychotropes pour 43 %. L’étude indique également que 73,2 % des professionnels de santé au travail recherchent l’existence d’un lien entre le travail et la consommation de substances psychoactives. D’après eux, les facteurs qui favorisent le plus la consommation sont les risques psychosociaux (RPS), les horaires atypiques, le travail isolé, les pots en entreprise, les séminaires ainsi que le télétravail. C’est pourquoi, les facteurs de risque liés au travail doivent être identifiés et pris en compte par l’employeur pour prévenir les conduites addictives au travail.
Une évaluation des risques en amont
Aussi, l’entreprise a un rôle à jouer. A commencer par la prévention primaire : comment prévenir les risques professionnels, et notamment les risques de conduites addictives en milieu professionnel, à partir des questions d’organisation du travail ? « La première chose à rappeler est que la réglementation vient déjà encadrer les conduites addictives en entreprise avec différents codes, notamment le Code du travail : l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Et il ne faut pas oublier non plus que le salarié a aussi ses obligations et il lui importe de prendre soin de lui, de sa santé, de sa sécurité et de celle de ses collègues », mentionne Vanessa Lauraire. Sans oublier le Code de la santé publique qui interdit le tabac sur les lieux de travail et dans les lieux publics, ou les plans pluriannuels de santé au travail qui définissent les grands enjeux de la santé en milieu professionnel. Tous ces articles-là vont venir aider à la création du règlement intérieur qui sera un outil utile pour mettre en œuvre des mesures qui encadreront les comportements et les conduites addictives sur le lieu de travail. « Ce règlement intérieur doit être régulièrement mis à jour et l’évaluation des risques faite et inscrite au DURP », souligne Florine Le Mauff, assistante chef de projet chez Pros-Consulte.
Une action collective
La prévention passe aussi par la sensibilisation des directions, des CSE, des managers et des collaborateurs. L’objectif ? Agir globalement et collectivement pour que chacun se sente concerné. Concrètement, l’entreprise peut mettre en place des formations comme par exemple un module à destination des managers sur la reconnaissance des signaux révélateurs d’une conduite addictive ou sur l’écoute active. L’entreprise peut aussi s’approprier des campagnes nationales comme l’arrêt du tabac ou le mois sans alcool, soit par le biais d’affichages internes, soit par la mise en action des collaborateurs. « Elle peut également prévoir l’organisation d’ateliers ciblés sur le danger de l’hyperconnexion ou le danger des substances. Il peut être intéressant aussi de proposer des groupes de travail ou un comité de pilotage sur ces sujets et sur les pratiques addictives qui permettent d’interroger l’organisation dans l’entreprise », suggère Florine Le Mauff.
La question des addictions est un sujet qui peut être pensé et réfléchi de façon systémique et globale, selon une dynamique plus spécifique à chaque entreprise. « La santé au travail passe par la santé du travail. Et plus chacun pourra faire son métier avec l’autre en confiance et en coopération, plus cela protègera chacun sur son poste de travail », souligne Vanessa Lauraire. L’employeur, le manager ou le RH ne sont bien sûr pas médecins, mais leur rôle sera de déceler des signaux et de les aborder avec les salariés sans jamais juger. La lutte contre les addictions passe aussi par une communication bienveillante.
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