Quitter son job et en trouver un autre… Un classique de nos vies professionnelles contemporaines… que le Covid bouleverse ! Certains craignent la crise économique et préfèrent reporter leur projet de changement… Au contraire, la pandémie donne un nouvel élan à d’autres qui redéfinissent depuis un an leurs priorités et osent changer de job.
« La crise est clairement un accélérateur de changement professionnel ». Pour Garance Yverneau, fondatrice de Garance&Moi, cabinet dédié à la carrière des femmes, la réponse est claire : la pandémie de Covid et les changements qu’elle a apportés au travail poussent plus de gens qu’avant à s’interroger sur leur avenir professionnel. « Le premier confinement a notamment posé la question de la place du travail dans nos vies. On a découvert d’autres rythmes et façons de s’organiser, des manières de concilier différemment le boulot et la vie privée… et on voit donc arriver des salariés en quête de sens, qui veulent se reconvertir dans ce but », explique-t-elle.
Camille travaillait dans un hôpital du Grand Est. Elle était en congé parental pendant le premier confinement et s’interrogeait déjà sur son avenir, avec un projet de reconversion dans le marketing et la communication. Elle a depuis commencé une formation à distance, et ne s’imagine pas reprendre comme avant. Elle cherche un métier plus en phase avec sa vie de famille et ses horaires, des valeurs plus écologiques… et un métier dans lequel elle « s’éclate ».
Depuis un an, les chiffres explosent : chez Garance&Moi, on constate 40% de demandes de reconversion professionnelle supplémentaires enregistrées chaque mois depuis mars 2020. « Il y a eu quinze jours d’arrêt après l’annonce du confinement en mars 2020, puis les gens sont arrivés en masse pour changer de projet professionnel… et cela ne s’arrête plus depuis ! », précise Garance Yverneau. Selon une étude de Hello Work, 1 salarié sur 2 a en effet intensifié ses recherches depuis la crise en raison de l’envie d’un nouveau projet professionnel.
« Malgré ce que l’on aurait pu croire, les salariés ne font pas preuve d’attentisme dans cette crise, bien au contraire, ils ont des projets, des envies d’ailleurs, de mobilité, ils accélèrent leurs recherches, leurs projets professionnels », constate David Beaurepaire, directeur délégué chez Hellowork. « On est vraiment dans un changement de société : depuis trois ou quatre ans j’accompagne des gens en quête de sens, et depuis un an c’est exacerbé », note quant à elle Hélène Picot, fondatrice de “Rêvez, Osez, Foncez“. Christian, ancien DRH, et sa femme Cécile, assistante, ont par exemple quitté Paris pour devenir respectivement thérapeute et géobiologue. Louise a quitté sa robe d’avocat pour devenir professeur de yoga…
Le deuxième public en quête de renouveau sont des salariés qui anticipent un éventuel licenciement ou une crise dans leur secteur. L’économie, encore sous perfusion, ne rend pas compte des dégâts futurs, mais l’hôtellerie-restauration, l’événementiel, l’aéronautique verront certainement quelques entreprises disparaître.
Avec le Covid-19, l’incertitude du lendemain exacerbée ?
Enfin, certains demandeurs d’emploi pensent à un changement de secteur pour se diriger vers un métier plus porteur. C’est le cas de Thierry*. Anciennement dans la culture, en recherche d’emploi depuis trois ans suite à une mobilité personnelle, il vient de terminer une formation de mécanicien vélo… et a déjà trouvé un contrat de quatre mois pour l’été sur la côte Atlantique ! Thierry a dépassé les freins classiques à la reconversion.
Car l’ « incertitude du lendemain », qui existe chez tout candidat à la reconversion, est certainement plus forte cette année. Elle peut aussi s’accompagner de la peur de sortir de sa zone de confort, d’un manque d’information, d’un investissement financier qui semble trop risqué (particulièrement en période de crise), d’un projet jugé pas assez mûr… « Covid ou pas la reconversion fait encore peur. Mais, en Chine, l’idéogramme de la crise est aussi celui de l’opportunité », rappelle Hélène Picot. « Chaque crise amène une possibilité de renouveau. Ceux qui restent toutes la journée à écouter des informations anxiogènes ne feront pas le saut, mais plein d’autres oui, car on parle de plus en plus de reconversion. On connait tous un ami ou un cousin qui a changé de métier. On sent que c’est possible », encourage Hélène Picot.
Ils ont apprécié le télétravail et ne veulent pas revenir en arrière
Cadremploi (1) a interrogé des cadres ayant concrétisé un projet de reconversion l’année dernière. Verdict : 44% estiment que la crise sanitaire a été un accélérateur (45% chez ceux pour qui cette reconversion est en cours). Pour 28%, elle a en tout cas confirmé leur décision. Selon le site Nouvellesviespro.fr, qui a mené une étude fin décembre sur l’impact du Covid sur nos carrières, près de 60 % des actifs considèrent que la crise a affecté leur situation professionnelle. Et si 31% des personnes en reconversion ont vu leur changement de vie stoppé net, alors que la crise sanitaire rend la reconversion professionnelle plus difficile pour près de 7 sondés sur 10, plus de la moitié des sondés pensent aussi qu’elle est moteur de reconversion professionnelle, et a déjà commencé sa reconversion ou songe à l’entreprendre bientôt.
Comme dans les deux enquêtes précédentes menées par Nouvelle Vie Pro en 2017 et 2019, l’ennui et la quête de sens restent en effet les principales motivations pour entreprendre une reconversion en 2021. « Il y a les reconversions forcées mais surtout, on voit des gens qui ont expérimenté la flexibilité du télétravail et ne veulent pas revenir à un schéma plus classique : si leur entreprise ne s’adapte pas à ces attentes, alors ils partiront », commente Garance Yverneau. « Il y a aussi des gens qui ne se sentent plus en phase avec les valeurs de leur société, ils sont dans des postes sécurisés et confortables, mais l’objet social de leur employeur ne leur correspond plus » alors que la crise nous a fait, à tous, nous poser des questions sur le monde que nous voulons.
*Certains prénoms ont été changés.
(1) Etude réalisée su 12 au 15 mars 2021 auprès d’un échantillon de 1803 répondants auprès des bases opt-in de Cadremploi.
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Photo de Andrea Piacquadio provenant de Pexels