“Le télétravail de crise a laissé la place à un télétravail qui est devenu la norme”

Le télétravail s’est généralisé et, souvent, avec lui, les mauvaises habitudes aussi. Travailler de chez soi ne signifie pas qu’il faille rogner sur son confort ni sur l’importance des interactions sociales. Il faut savoir, là aussi, prendre soin de soi, s’aménager des temps d’échanges et de pauses, veiller de près à sa déconnexion. En somme, « comment devenir un as du télétravail ? ». Telle est la question à laquelle répond l’auteure Dorothée Duchemin.

Vous avez publié “Comment devenir un as du télétravail?” (éditions Les Détonnantes) pour proposer plusieurs pistes d’amélioration de son quotidien. A-t-on pris de mauvaises habitudes avec le télétravail ?

Dorothée Duchemin : Oui, c’est exactement ça. Depuis 2020, il est beaucoup question de télétravail, qui n’est plus vraiment nouveau. Dans l’urgence, chacun a mis en place un télétravail « de crise » et s’est retrouvé à travailler sur un coin de table, sans être forcément être équipé. Le télétravail de crise a laissé la place à un télétravail qui est devenu la norme. Mais ce n’est pour autant que nous avons pris la peine de réfléchir aux bonnes pratiques ! La généralisation du télétravail, avec l’instauration du travail hybride, nécessite désormais de se pencher sur les conditions de travail, même à distance. Cela nécessite quelques petits réajustements, un moment de réflexion.

Quels sont généralement les principaux pièges ?

Je pense déjà à l’installation de l’équipement de travail. Souvent, on se dit : « Là, il y a un petit espace, il fera l’affaire. » Or, souvent, le plan de travail s’avère trop bas… Pourtant, sans investissements coûteux, il est possible de surélever son écran d’ordinateur. Il faut y penser ! De même, un autre « piège » courant, c’est la sédentarité : toutes les heures, nous devons nous déplacer. Au bureau, nous bougeons davantage qu’en télétravail, nous avons parfois davantage de raisons de nous déplacer : par exemple, si nous devons parler à un collègue placé à quelques mètres, nous n’allons pas lui envoyer un email, nous nous levons pour aller lui parler. Pour limiter la sédentarité en télétravail, il ne s’agit pas forcément de marcher une heure sans but, mais peut-être de faire quelques étirements. Cela ne prend que quelques secondes et c’est salvateur ! Cela peut même devenir un rituel pour commencer sa journée de travail.

Car l’un des risques du télétravail, aussi, c’est de brouiller la limite avec sa vie personnelle ?

Quand nous partons au bureau, nous avons une sorte de sas pour rentrer dans le travail et un sas pour retourner à la sphère privée. Ce que nous n’avons pas en télétravail. De plus, nous nous disons souvent que c’est anecdotique, que nous n’en avons pas besoin. En réalité, si, car cela crée un moment qui nous met en condition, qui nous met en mode « travail » le matin et en mode « privé » le soir. En télétr   avail, ce sas peut être n’importe quel rituel que nous choisissons : une marche rapide, un morceau de musique, une séance de yoga, etc.

L’idée reçue est-elle de se dire « je suis chez moi, rien ne peut m’arriver ? »

C’est justement cela qu’il ne faut plus penser. Il y a encore beaucoup de méconnaissances autour du télétravail. Souvent, on estime que les RPS ne peuvent pas survenir en télétravail. Ce dernier peut au contraire, dans certains cas, les exacerber ! En télétravail, nous risquons de ne pas respecter les horaires de travail : au bureau, nous voyons les collègues partir, les lumières s’éteindre… En télétravail, nous sommes moins attentifs aux signaux de fin de journée. Le travail s’immisce alors dans la sphère privée, avec un non-respect de la déconnexion.

Autre cas de figure : l’autonomie que permet le télétravail peut être stressante pour ceux qui n’y sont pas préparés. Le stress peut aussi être accru si on ne sait pas utiliser tel ou tel outil à distance. Et la monotonie, aussi, peut être source d’angoisses…

Comment l’éviter ?

Le risque d’isolement est décuplé chez les télétravailleurs, certains effectuant leurs tâches seuls, sans jamais échanger avec des collègues. Et cela vaut aussi dans le travail hybride : deux à trois jours sur site par semaine ne suffisent pas toujours à protéger l’esprit du collectif. Certes, les managers doivent maintenir cette cohésion, mais chacun peut intervenir à son niveau. Par exemple : dire « bonjour » sur les messageries internes, ne pas hésiter à lancer une conversation. L’objectif est de récréer une conversion informelle comme on le ferait à la machine à café ! De même, pour formuler une demande à un collègue, mieux vaut privilégier le téléphone que le mail. Le besoin de contact humain peut aussi être résolu avec ses contacts personnels : ne pas hésiter à aller déjeuner avec des amis ou de la famille. La solitude au travail ne sera alors plus un problème. Enfin, une alternative consiste à télétravailler dans d’autres lieux que chez soi : dans un café ou dans un espace de coworking par exemple. Cela peut même être l’occasion d’échanger avec d’autres salariés qui rencontrent des problématiques similaires…

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