Passer d’une tâche à l’autre ? D’un endroit à l’autre ? D’une réunion à l’autre ? Il est fort probable que vous devrez vous accorder un moment de transition, comme une sorte de sas. Pour Jean Grimaldi d’Esdra, auteur des Rites et rituels professionnels, il est question, donc, de petites habitudes propres à soi. A chacun de trouver les siennes, celles qui vont le valoriser, mais aussi lui apporter une sécurité tant matérielle que psychologique.
Comment définir un rite ?
Jean Grimaldi d’Esdra : Je le décrirai en pensant à un très bon vin : c’est un assemblage. Celui du corps et de l’esprit. Chacun d’entre nous crée un tel assemblage, sur un moment de la journée ou un type d’activité, qui lui convient et qui contient à la fois un geste, un mot, une attitude d’esprit, un comportement, etc. C’est vraiment un mix de tout cela. Parfois, il y a plus de paroles que de gestes. Parfois, il y a plus de gestes que de paroles. Sans oublier qu’il y a aussi quelque chose qui relève de la routine.
Alors, on a le sentiment de faire quelque chose d’important pour son propre équilibre. Chacun trouve les assemblages qui lui facilitent la vie.
A-t-on conscience de ses rites ?
Pas toujours. Cela dépend du risque d’agression que l’on peut ressentir. Quand c’est une journée calme et que l’on passe d’une activité à l’autre, on ne se pose pas trop la question. C’est là que la question du réflexe et de l’habitude prend le pas : même si on a besoin du rite, on ne l’a pas conscientisé. En revanche, quand on est sous forte pression, là on a besoin de faire appel au rite. C’est se dire, par exemple : « Si je n’y pense pas, il me manquera des forces pour passer cet entretien difficile. » C’est comme si on ressaisissait son énergie.
Le rite est-il donc une forme de sécurité ?
C’est une forme de sécurité matérielle et psychologique. Matérielle car il assure nos gestes. Psychologique car on est vraiment à ce que l’on fait. On est passé d’une action à une autre, d’un lieu à un autre, soit d’une psychologie à une autre. Quand on sort d’une réunion et qu’on est un peu chamboulé parce qu’elle ne s’est pas bien passée, on peut avoir envie d’écrire un mail à quelqu’un qui nous est sympathique. On a besoin de passer d’un moment qui nous a agressé à une activité où on transmettra quelque chose de positif. On a besoin de ces sas.
Qu’est-ce qui distingue le rite du rituel ?
Le rite est plus profond, puisqu’il se trouve dans l’alliage du corps et de l’esprit. Le rituel, lui, est davantage un mode opératoire et même un mode opératoire religieux. Aujourd’hui, le rituel relève du shamanisme, dans l’idée qu’il nous permet de réussir quelque chose à tous les coups.
D’après le moine Anselm Grün, « le rite est une haie qui nous protège ». Il nous protège de l’extérieur et nous permet d’avoir notre petit territoire. Il permet de nous ressourcer.
Rite d’introduction, d’exploration, de réflexion, d’appartenance… Dans votre livre Les Rites et rituels professionnels (éditions Gereso), vous distinguez de nombreuses types de rites : s’expriment-ils en fonction des besoins de chaque individu ?
Dans toute liste qui est très longue (sans être exhaustive), il y a un côté artificiel. Aucun d’entre nous n’est capable d’avoir de très nombreux rites. Au fil du temps, les uns et les autres, nous sommes allés à l’essentiel. Nous avons gardé les quelques sujets qui nous paraissaient importants. Par exemple, pour moi, en tant qu’ancien DRH, les rites d’introduction dans un entretien sont essentiels. Un rite pour me mettre à travailler en solitaire par rapport au travail collectif est essentiel. Un rite pour essayer de retrouver mon calme et de laisser passer le stress est essentiel.
Chacun d’entre nous, quand il fait le tour de sa personnalité, cherche les rites qui vont l’équilibrer.
Ainsi, le rite relève de l’intime…
Même si on peut s’inspirer des autres, on ne pourra jamais savoir complètement ce qu’il se passe dans l’intime de chacun. Ce sont nos parcours de vie qui nous amènent à privilégier telle famille de rite. Parfois, en s’agrégeant un groupe ou une nouvelle activité professionnelle, on est bien obligé d’intégrer un nouveau rite. Mais je n’ai jamais vu quelqu’un abandonner les rites qui constituaient son tissu quotidien. Nous avons nos propres recettes : personne ne sait vraiment pourquoi nous avons ce rite, mais il est extrêmement nécessaire à notre équilibre. Et l’équilibre, c’est peut-être ce que les gens cherchent le plus actuellement…
Qu’en est-il des rites collectifs ? Comment s’expriment-ils ?
Une équipe, c’est une communauté avec des êtres différents mais qui doivent s’unir. L’avantage d’un rite, c’est qu’il équilibre la personnalité collective. Il permet une manière commune d’envisager les choses. Sans pour autant fixer des critères dans une charte, le rite apporte ce qu’il faut dire ou faire (cf les exemples dans le livre des rites sur le recrutement, la promotion, le test de la cabane, etc.). C’est très puissant car, quand les salariés sortent de ce rite, ils adoptent un langage commun, mais surtout un esprit commun.
La collectivité a une personnalité et comme toute personnalité, elle a besoin de rites pour homogénéiser, symboliser, voire sacraliser certains moments.
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